Europe"Crime universel" de GPA : en Italie, le lobby réac veut envoyer des parents en prison

Par têtu· avec AFP le 27/07/2023
Pride LGBT de Milan, Italie

Courant derrière la Hongrie de Viktor Orbán, l'Italie dirigée par l'extrême droite de Giorgia Meloni assouvit les passions tristes du lobby réac en Europe, assumant de vouloir séparer des familles au nom de la défense… de la famille (chrétienne). Après avoir ciblé les mères lesbiennes, la voilà qui ambitionne d'envoyer en prison les parents qui ont eu recours à une gestation pour autrui (GPA) à l'étranger.

Les députés italiens ont voté ce mercredi 26 juillet la proposition de loi visant à durcir la répression de la gestation pour autrui (GPA). Il s'agit d'en faire un "crime universel" ("reato universale"), rendant la pratique illégale même à l'étranger. Le texte, qui pour entrer en vigueur doit être validé par le Sénat (en octobre), expose donc les Italiens qui recourent à une mère porteuse dans un autre pays à des poursuites judiciaires à leur retour en Italie. Une mesure proposée par Fratelli d'Italia (FDI), le parti d'extrême droite de la cheffe du gouvernement Giorgia Meloni, qui se définit comme une "mère chrétienne" et a gagné les élections parlementaires de septembre 2022 en faisant une campagne à la fois nationaliste et pour les valeurs traditionnelles de la famille catholique.

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L'Italie dispose déjà, depuis 2004, de l'une des lois les plus restrictives d'Europe contre la GPA. Le durcissement en cours prévoit que quiconque "réalise, organise ou fait connaître" une GPA risque une peine de trois mois à deux ans de prison et une amende allant de 600.000 à un million d'euros. Durant le débat à l'Assemblée, une responsable de FDI, Elisabetta Gardini, a parlé d'"utérus à louer" et d'une pratique qui "insulte la dignité des femmes et piétine les droits des enfants". Un autre membre du parti avait estimé en mars que la GPA était un crime "plus grave que la pédophilie".

Inquiétude pour les droits LGBT en Italie

Jusqu'à présent, les Italiens qui pouvaient se le permettre voyageaient dans des pays où la GPA est autorisée, tels les États-Unis. Comme en France, relèvent les médias italiens, un grand nombre de personnes qui recourent à la GPA à l'étranger sont des couples hétérosexuels qui ne peuvent pas avoir d'enfants. Le projet de loi suscite néanmoins une inquiétude particulière chez les militants LGBTQI+ qui alertent contre le danger que représente le gouvernement d'extrême droite pour les droits civils, dans un pays qui ne dispose toujours pas de loi contre les discriminations LGBTphobes et où les couples de même sexe n'ont accès que depuis 2016 à une union civile, mais restent interdits de mariage et d'adoption. Quant à la procréation médicalement assistée (PMA), elle est légale pour les couples hétérosexuels, mais pas pour les couples de même sexe ni les femmes seules.

Le pays n'a pas non plus de loi pour reconnaître les enfants des couples de même sexe. Ce qui laisse ces enfants dans un vide juridique avec seulement le parent biologique inscrit sur leur certificat de naissance, forçant l'autre à s'engager dans un long et coûteux processus d'adoption. En l'absence d'une politique claire, certaines villes, dont Milan, Turin et Padoue, avaient enregistré les enfants de couples de même sexe conçus à l'étranger par le biais de la GPA jusqu'à ce qu'une directive du ministère de l'Intérieur ne l'interdise en avril. Certains parents ont alors vu leurs noms effacés des registres, une mesure source de désespoir et de complications bureaucratiques.

Plusieurs centaines de personnes ont protesté mardi devant le Panthéon, dans le centre de Rome, contre ce projet de loi, dénonçant notamment "une homophobie d'État". Stefania Ascari, membre du Mouvement Cinq Etoiles, a fustigé un "énorme bazar juridique" sur le dos "des droits très fragiles des mineurs" dont les parents pourraient être arrêtés en arrivant en Italie, et qui se pourraient alors se voir confiés à l'assistance publique. Persécuter des familles pour protéger "la famille", un concept.

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>> En France, SOS homophobie et l’EuroCentralAsian Lesbian Community appellent à se mobiliser et à manifester ce vendredi 28 juillet à 18 heures devant l'ambassade d'Italie à Paris (7ᵉ arrondissement). D'autres rassemblements sont prévus à Marseille, Bruxelles ou Lisbonne.

Crédit photo : Gabriel Bouys / AFP, Pride de Milan, 24 juin 2023