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cinéma"24 Heures à New-York" : une nouvelle voix trans du cinéma indépendant

Par Franck Finance-Madureira le 11/08/2023
"24 heures à New York"

Vuk Lungulov-Klotz se souviendra longtemps de l’année 2023. Son premier long-métrage, 24 heures à New York, est sorti cette semaine en France. Le réalisateur âgé de 29 ans y raconte la journée particulière de Feña, un jeune homme trans latino, sur le point de retrouver trois personnes qu’il n’a pas vues depuis les débuts de sa transition : son père, son ex-petit ami et sa jeune sœur. Rencontre.

Né à New York d'une mère peintre chilienne et d'un père réalisateur serbe, Vuk Lungulov-Klotz a grandi au Chili avant de revenir vivre dans sa ville natale. C'est là qu'il place l’action de son premier long-métrage sorti cette semaine, 24 heures à New York, lieu de l’émancipation pour Feña, son personnage trans, comme pour lui : "Je crois qu’au fond de moi, je savais que s’affirmer comme trans allait être plus compliqué au Chili. New York est une ville exceptionnelle, un extraordinaire melting-pot plein de personnes queers". S'il ressent très jeune que la communauté queer est sa maison, Vuk souffre comme nombre de jeunes trans du manque de représentations. "Avant de faire mon coming out, vers mes 20 ans, je ne connaissais pas de personnes trans. J’avais cette sensation d’être un homme trans mais je n’avais pas les mots pour la décrire. Mes premières vraies rencontres ont été celles que j’ai faites en regardant les vidéos YouTube d’hommes trans racontant leur transition."

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Les séries permettent également au jeune Vuk d'apprendre à se connaître : "The L Word a été très importante pour moi, et a en quelque sorte éclairé le concept de la masculinité chez les femmes. Des personnages comme Shane m’ont vraiment réconforté à cette période de ma vie. Mais je n'aimais pas trop le personnage trans de la série, qui était mal écrit, unidimensionnel, se complaisant dans une forme de colère permanente". Et puis il y eut la rencontre avec le cinéma : "Ado, j’ai été marqué par Weekend de Andrew Haigh. Je n’avais jamais vu un tel niveau d’intimité à l’écran, ou cela me paraissait toujours faux. Les films de Xavier Dolan ont aussi compté. Tom à la ferme est l’un de mes préférés, et Laurence Anyways bien sûr".

"Trans gaze"

Raconter, pour son premier long-métrage, 24 heures de la vie d'un jeune New-yorkais trans et latino, entre évidemment en résonance directe avec son histoire. "Je n’ai pas vécu ce que Feña vit en 24 heures, mais sur une plus longue période, oui ! Mais le film met en avant une version plus douce du personnage que j’avais écrit au départ, qui était beaucoup plus en colère, plus complexe à aimer. C’est quand j’ai rencontré Lio Mehiel pour le rôle que le personnage est devenu un peu plus apaisé." Le film était conçu au départ comme une lettre d’excuse à sa sœur, qu’il a laissée seule quand il a quitté la maison familiale à 17 ans pour étudier à New York : "Le film ne parle pas de ce que c’est que d’être trans mais de quelqu’un qui essaie de prouver aux siens qu’il va bien après une période d’absence. J’avais peur à l’époque que ma sœur m’en veuille, qu’elle ne comprenne pas mon parcours, ma transidentité. En fait, c’était une évidence pour elle, et quand j’ai eu ma mastectomie, c’est elle qui a pris soin de moi".

Forcément, Vuk Lungulov-Klotz connaît l'importance de l'émergence de cinéastes trans pour offrir de nouvelles voix et de nouveaux regards sur ces parcours. "Quand un réalisateur trans raconte une histoire trans, il y a un 'trans gaze'. La compréhension des corps est différente. Penser son corps comme un lieu de vie, de changements, c’est aussi un 'trans gaze'." Reste à surmonter les difficultés de financement de projets vus comme marginaux, ainsi que celle de trouver des interprètes trans pour incarner ces destins. "Je cherchais un homme trans proche de moi, qui avait subi une opération de la poitrine, qui était à moitié latino… il y avait trop de critères, cela a pris deux ans ! C’est finalement grâce à Instagram que j’ai découvert Lio, qui est non-binaire mais qui correspondait vraiment à ce que j’imaginais. Ensuite tout s’est enchaîné, mais cela reste très difficile de convaincre les gens de cinéma de financer un premier film sur ces sujets." Présenté à Sundance et à la Berlinale, le film a pu trouver des distributeurs en France ainsi qu'à New York, Los Angeles et une dizaine de villes américaines. "Pour un tout petit film indépendant, c’est inespéré, je suis très heureux", savoure Vuk Lungolov-Klotz, qui planche désormais sur une série et deux films, dont un "thriller très érotique"… Prometteur.

>> [Vidéo] La bande-annonce de 24 heures à New York :

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Crédit photo : Dulac Distribution