À l'occasion de la journée mondiale de la santé mentale, ce 10 octobre, on vous propose de parler de l'adolescence et des troubles psychiques rencontrés par les jeunes. Un enjeu encore plus essentiel chez les ados LGBTQI+, particulièrement exposés.
Illustration María Medem
Les problèmes d’ados, beaucoup d’entre nous sont passés par là. Alors quand on voit un jeune de notre famille ou de notre entourage aller mal, la condition LGBTQI+ nous confère souvent une écoute accrue. Quelques notions sont nécessaires pour y répondre et distinguer les difficultés classiques d’un passage de la vie plein de tourments et de révolutions, de la naissance d’un trouble qui nécessite une aide psychologique et/ou médicale.
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Repérer les troubles psychiques chez les ados est une gageure. Dans une société qui stigmatise ou au contraire banalise encore largement les difficultés psychologiques, les conséquences potentielles – mal-être, comportements à risque, pensées et comportements suicidaires, automutilation, décrochage scolaire, exclusion sociale – sont souvent attribuées à “l’âge qui veut ça”. “La banalisation du concept de crise d’adolescence masque les souffrances et retarde la prise en charge. Or plus on intervient tôt, moins le handicap sera lourd, et meilleur sera le pronostic”, signale le docteur Jean-Victor Blanc, psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, et auteur de Pop & psy. Selon l’Organisation mondiale de la santé, un jeune âgé de 10 à 19 ans sur sept souffre d’un trouble mental : anxiété, dépression, addictions, troubles bipolaires… Alors, comment faire la différence, chez l’ado, entre une crise existentielle et passagère, et l’apparition d’un trouble psychique débutant ? Un enjeu encore plus essentiel chez les ados LGBTQI+, que l’on sait particulièrement exposés du fait du stress minoritaire, des discriminations systémiques ou encore du harcèlement scolaire et du rejet familial.
La vulnérabilité accrue des adolescents LGBTQI+
C’est d’abord la vigilance à la présence de facteurs de risque qui devrait conduire à une certaine prévenance. Auteur de La Fragilité des jeunes adultes, le psychiatre David Gourion évoque une vulnérabilité individuelle et une héritabilité des troubles, par exemple si l’un des parents ou un membre de la fratrie est déjà affecté. “Il y a aussi des facteurs environnementaux : rejet scolaire, harcèlement, exclusion, précarité… dénombre-t-il. Facteurs qui peuvent être renforcés lorsqu'on a une différence physique, qu'on est d'une autre culture ou qu'on est LGBTQI+.” Le fait d’avoir subi des violences – sexuelles, psychologiques et/ou physiques – ainsi que d’autres traumatismes peut aussi rendre plus susceptible de développer des troubles. Si tous les cas sont différents, il existe des marqueurs de souffrance psychologique qui doivent attirer l’attention. David Gourion détaille : “Ce sont tout particulièrement des troubles du sommeil qui s’installent et provoquent de la fatigue, des changements notables du comportement avec par exemple un arrêt des activités de loisir, une chute des notes et une irascibilité, et un repli sur soi avec un refus de communiquer.” Des comportements à risque comme la prise de substances ou encore des scarifications doivent évidemment alerter.
Les manifestations varient ensuite en fonction du trouble et, si ce n’est jamais aux proches de poser un diagnostic, connaître quelques spécificités des troubles psychiques peut aider, car mettre les mots justes c’est aussi lutter contre la stigmatisation ou le dévoiement du vocabulaire psy, qui entretiennent la relativisation des troubles mais aussi la psychophobie. Parmi les troubles psychiques qui apparaissent spécifiquement à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, soit entre 15 et 25 ans, les plus notables sont la dépression, les troubles bipolaires, le trouble de la personnalité bordeline et la schizophrénie.
"Il ne faut surtout pas avoir peur d’évoquer le suicide, au contraire, cela va soulager l’ado de savoir qu’il est possible d’exprimer d’éventuelles idées suicidaires.”
D’autres troubles, tels que l’anxiété généralisée, sorte de prequel de la dépression avec son lot de manifestations physiques et ses stratégies d’évitement, ou les troubles des conduites alimentaires sont aussi fréquents à l’adolescence, et leurs manifestations doivent être prises en compte. Que faire, alors, lorsque l’on remarque un ou plusieurs signes d’alerte chez une jeune personne ? “Il faut d’abord lui en parler, lui dire que l’on a remarqué des changements et ouvrir le dialogue. C’est toujours positif de montrer que l’on se préoccupe de quelqu’un, conseille David Gourion. Il ne faut surtout pas avoir peur d’évoquer le suicide, au contraire, cela va soulager l’ado de savoir qu’il est possible d’exprimer d’éventuelles idées suicidaires.” Ce dialogue, outre le fait d’ouvrir une fenêtre d’écoute, peut aider la personne à sortir d’un possible déni ou d’une banalisation de sa souffrance.
“Stigmatiser les médicaments, c’est stigmatiser les patients."
Il convient ensuite de solliciter ou d’orienter vers un professionnel : le médecin traitant pourra rediriger vers un psychiatre, dont les consultations sont remboursées. David Gourion insiste : “Si l’ado se montre réticent à l’idée de consulter, il faut tenir bon. Cette ingérence est parfois nécessaire.” Il pourra s’ensuivre une prise en charge psychothérapeutique, voire médicamenteuse. Sur ce dernier point, le psychiatre dénonce la tendance à décrier par principe les psychotropes : “Stigmatiser les médicaments, c’est stigmatiser les patients. Il y a beaucoup de conservatisme en France, alors qu’il y a avant tout besoin de soins, auxquels les médicaments peuvent contribuer.” Or la première des réponses à adopter face à une jeune personne en difficulté psychologique, c’est de ne pas considérer que la santé mentale est une simple question de faiblesse, et qu'il suffirait d’un peu de volonté : se faire aider, c’est bien !
Les troubles psychiques qui apparaissent à l'adolescence
La dépression : “Elle s’exprime par une rupture du fonctionnement, une tristesse d’intensité sévère tous les jours pendant plus de quinze jours, des problèmes de sommeil, des difficultés de concentration et un ralentissement général”, développe Jean-Victor Blanc. Un tableau qui peut aussi comporter des idées, voire des comportements suicidaires.
Les troubles bipolaires : Ceux-ci se manifestent par une alternance de phases “down”, dont les symptômes sont donc semblables à ceux de la dépression, et de phases “up”, ou maniaques, lors desquelles, explique Jean-Victor Blanc, “la personne développe une énergie hors du commun”.
Le trouble de la personnalité borderline : ses principaux signes sont une instabilité émotionnelle : les émotions font du yoyo au cours de journée, avec une dominante négative qu’il s’agisse de tristesse, de peur, d’anxiété ou encore de colère, un sentiment de vide interne, des angoisses d’abandon et des difficultés à ressentir le soi.
La schizophrénie : d’apparition tantôt brutale, tantôt plus insidieuse, la schizophrénie se manifeste par des symptômes dits “positifs” comme des pensées délirantes et des hallucinations auditives – souvent effrayantes –, et des symptômes “négatifs” consistant à se mettre en retrait.
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