Abo

rencontreLouis Albi, l'après "Star Ac" et la violence désolante de certaines critiques gays

Par Florian Ques le 17/01/2024
Louis Albi, ex-candidat de la "Star Ac"

[Article à lire dans le têtu· de l'automne ou en vous abonnant] Candidat finaliste de la Star Academy 2022 sur TF1, Louis Albi a depuis sorti son premier album, Pleurer de joie, clin d'œil aux nombreuses larmes qu'on l'y a vu verser. Le jeune chanteur a été frappé par l’hostilité des critiques émises depuis la communauté gay, que subit à son tour Axel cette année.

Photographie : Audoin Desforges pour têtu·

Finaliste émérite de la Star Academy en 2022, Louis Albi a pleuré. Beaucoup. Ses larmes, déversées par torrents lors des primes ou dans les quotidiennes de l’iconique télé-crochet de TF1, auraient aisément pu alimenter une méga-bassine, ou une station thermale. Pour une performance qu’il trouve ratée, parce qu’il ne se trouve pas beau à l’écran... Le gamin ne s’aime pas, et ne manque pas une occasion de se juger sévèrement. Mais n’est-ce pas là le lot de nombreux jeunes LGBTQI+ au sortir de ce qu’on pourrait appeler une enfance queer, en marge des autres ?

À lire aussi : "Je voulais parler d'émotion" : Eddy de Pretto, notre Personnalité de l’année 2023

Ce n’est pas un hasard s’il a d’ailleurs choisi d’interpréter "Kid", d’Eddy de Pretto, lors de sa première évaluation dans l’émission. Cette histoire, c’est aussi la sienne, comme c’est celle de nombre d’entre nous. À Boudy-de-Beauregard, où il a grandi, un village du Lot-et-Garonne d’à peine 400 habitants, le jeune garçon, doux et maniéré, se retrouve vite à l’écart. "À l’école primaire, les autres m’ont très vite rejeté, m’accusant d’être comme une fille, retrace-t-il. On me disait qu’on ne m’aimait pas. Ce n’est pas pour rien que j’ai beaucoup de mal avec mon image." Les adultes ne valent pas beaucoup mieux que leurs rejetons, et le jeune homme se souvient de réflexions de leur part d’une "violence aberrante". Ce n’est pourtant pas ce qui le touche le plus. Peut-être parce qu’on finit par s’habituer, à force, par trouver ça normal, et intégrer ce paramètre dans notre monde d’enfant. "Ce qui m’a le plus coûté, c’est la solitude. C’est très dur de se rendre compte qu’on est vraiment tout seul. Je faisais régulièrement des crises de larmes, où je relâchais tout. Il fallait que ça sorte."

Premier baiser

Le jeune homme peut heureusement compter sur sa famille, particulièrement sur sa mère, avec qui il entretient une relation "fusionnelle". "Quand ça n’allait pas en primaire, elle me disait que ça irait mieux au collège, se remémore-t-il. Puis, au collège, elle m’a dit la même chose pour le lycée, et ensuite la même chose pour la fac..." Si rien n’est allé mieux aussi vite que promis, le soutien dont il a fait l’objet à la maison lui a permis de ne pas renoncer à être lui-même, quand tant d’autres rentrent dans le rang, montrent maladroitement patte blanche, quitte à tirer un trait sur une partie de leur identité.

"Même si j’en ai souffert, j’ai toujours refusé de me cacher. Enfant, ma mère, qui était professeure des écoles, m’a fait faire du dessin, de la peinture... J’ai pu m’exprimer de tout un tas de manières. J’ai beaucoup compté sur mon imaginaire." D’ailleurs ces rêves l’habitent encore... "J’ai une vision très, voire trop romantique des choses, lâche-t-il en soupirant. Je veux tomber amoureux de quelqu’un, que ce soit une évidence, et je ne me donnerais qu’à lui. C’est mon rêve ultime." Sur le titre "Page blanche" de son premier album, Pleurer de joie, il fait allusion à cette virginité, qu’il évoque avec nous sans gêne. "Le bisou avec Gabriel dans le clip de mon single 'Que tu te mentes', c’était mon tout premier baiser, dit-il avec candeur. Il n’y en a pas eu d’autres depuis."

Star Academy et exposition

Depuis sa participation à la Star Academy, en revanche, il reçoit de nombreux messages de soutien en privé sur les réseaux sociaux. Il doit aussi composer avec ceux de haine qu’il n’avait pas vus venir. "On me dit que je suis une grosse follasse pas baisable, que je suis un gros pédé, que j’ai le sida, énumère-t-il, désabusé. C’est quotidien." Et s’il n’est pas candide au point de découvrir les travers d’internet, il reste décontenancé, comme nous, quand l’hostilité vient de sa propre commu : "Ce sont ces messages qui me blessent le plus, parce qu’ils proviennent de gens qui devraient pouvoir me comprendre. Si des gays ne s’identifient pas à moi, c’est tout à fait compréhensible, mais ce n’est pas une raison pour venir m’attaquer."

De quoi lui faire regretter la bulle du château de Dammarie-les-Lys, où est tournée la Star Academy ? "En vérité, ça me manque un peu, confie-t-il avec nostalgie. Je suis probablement celui qui a le plus apprécié l’expérience. C’est triste à dire, mais c’est sûrement parce que j’étais le seul à ne pas avoir de vie en dehors. Les autres se sentaient loin de leur couple, de leurs amis, de leurs sorties... alors que moi, j’ai vécu ça comme une colo !" Ou plutôt comme "le" moment de sa vie. Car quel enfant seul n’a pas rêvé, dans le secret de sa chambre, de se retrouver un jour sous les projecteurs, enfin reconnu, adoubé, adulé ? Alors quand Louis apparaît pour la première fois à la télévision, lors du premier prime de cette dixième saison d’une émission née six mois avant lui, c’est comme si le jeune homme avait passé toute sa vie à s’y préparer. Il en maîtrise les codes, sait comment se comporter, quand regarder la caméra... Il connaît déjà ça par cœur. Il sait qu’il n’aura pas d’autre chance. Il vit son moment, celui attendu depuis toujours, et qu’il tente désormais de faire perdurer avec les 13 morceaux de son album, aux textes étrangement optimistes. Louis Albi aurait-il fini de pleurer ?

À lire aussi : "Star Academy" : Axel en route vers la finale ?