Emmanuel Macron n'a pas que des CV de futurs ministres à évaluer pour son nouveau gouvernement. Il lui faut également trouver à qui reviendra le titre d'ambassadeur référent LGBTQI+ au ministère des Affaires étrangères, idée à laquelle le président réélu a souscrite auprès de têtu·. Tour d'horizon de personnalités qui pourraient prétendre au poste.
"Je souscris à la proposition de nommer un ambassadeur référent LGBT+ au Quai d’Orsay". Dans son document de réponse aux questions de têtu· envoyé dans l'entre-deux tours de l'élection présidentielle 2022, le candidat Emmanuel Macron a validé l'idée qu'une personne soit chargée dans sa future administration de porter la voix de la France dans le monde sur les sujets LGBTQI+. Aux États-Unis Joe Biden a ainsi nommé une "envoyée spéciale pour la promotion des droits humains des personnes LGBTQI+", en la personne de Jessica Stern (le poste existait dans l'administration Obama mais avait disparu sous Trump).
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La perspective séduit aussi une partie de l'entourage d'Emmanuel Macron, proche ou moins proche, qui pourrait bien se voir à ce poste. Et comme on ne peut évidemment imaginer que cette responsabilité ne soit pas confiée à une personne concernée, qu'elle soit gay, lesbienne, bi ou trans, passage en revue des troupes disponibles dont le CV pourrait concorder avec la fiche de poste. L'entourage du président étant largement masculin, la représentation LGBTQI+ au sein de la macronie est essentiellement gay : aussi têtu· se permet-il de suggérer d'autres profils, le président Macron nouvelle version ayant par ailleurs manifesté des velléités d'ouverture… Et vous, qui verriez-vous au poste d'ambassadeur LGBTQI+ de la France ?
Clément Beaune : ministre, gay, expérience européenne
Vous avez dû l'apercevoir si vous regardiez la soirée électorale du 24 avril à la télévision : Clément Beaune, 40 ans, était sur le Champ-de-Mars au milieu des artisans de la réélection d'Emmanuel Macron, aux côtés notamment de Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale, et d'Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice. Avantage certain pour le poste d'ambassadeur : l'actuel secrétaire d'État de Jean Castex aux Affaires européennes (depuis juillet 2020) connaît déjà le Quai d'Orsay puisqu'il y travaille sous la direction de Jean-Yves Le Drian. Pour la prochaine législature, il a fait savoir son ambition de devenir député mais son élection n'est pas acquise : si le Parisien de naissance est candidat comme supputé dans la 7e circonscription de Paris, il devra faire face à l'avocate lesbienne Caroline Mecary pour la France Insoumise, dans une circonscription où Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête du premier tour de la présidentielle. Le combat de cet énarque venu du PS, ouvertement gay, pour protéger les personnes LGBTQI+ – notamment en Europe dans les zones "sans LGBT" polonaises ou face à l'homophobie d'État portée en Hongrie par Viktor Orbán – ne peut pas être résumé à son orientation amoureuse mais il reconnaissait auprès de têtu· une "responsabilité supplémentaire".
Pierre Karleskind : eurodéputé, gay, expérience du Brexit
Autre figure européenne de la macronie, le parlementaire Pierre Karleskind, 42 ans, connaît parfaitement les sujets LGBTQI+ qu'il a portés dans l'élaboration du programme d'Emmanuel Macron. Élu eurodéputé en 2019, ce Breton né en Seine-et-Marne, ouvertement gay, a fait adopter l'an dernier une résolution faisant du Parlement européen une zone de liberté pour les personnes LGBTQI+. Devenu vice-président de l'intergroupe LGBTI dans cette assemblée, il a déjà représenté son hémicycle en Argentine pour défendre les droits LGBTQI+. Président de la commission dédiée à la pêche, cet océanographe formé à l'École polytechnique a dû négocier les licences de pêche européennes après le Brexit, chapitre parmi les plus minés du dossier. La quasi-totalité des licences demandées par la France pour accéder aux eaux britanniques ayant été obtenues, l'ancien conseiller régional de Bretagne (PS, de 2010 à 2021) peut désormais faire valoir son expérience diplomatique.
Stéphane Séjourné : eurodéputé, gay, proche de Macron
Stéphane Séjourné connaît également de l'intérieur l'appareil diplomatique. Il est aujourd'hui à la tête, au Parlement européen où il a été élu en 2019, du groupe Renew, troisième force politique de l'hémicycle – dont font partie les 100 élus LREM de Renaissance. Une place qui lui vaut une position d'arbitre au sein du Parlement, mais également de s'entretenir avec des chefs d'État et de gouvernement. Auparavant, le Versaillais âgé de 37 ans, venu du PS (tendance Strauss-Kahn), était conseiller politique à l'Élysée d'Emmanuel Macron, qu'il avait déjà conseillé au ministère de l'Économie. Gay, pacsé avec Gabriel Attal, Stéphane Séjourné a fait en novembre dernier pression sur la Commission européenne pour qu'elle active le mécanisme de conditionnalité à l'État de droit contre la Hongrie et la Pologne, deux pays membres de l'UE qui s'en prennent aux droits des personnes LGBTQI+. La Commission l'a enfin fait contre la Hongrie, au lendemain des élections législatives et du référendum convoqué par Viktor Orbán.
Gabriel Attal : ministre, gay, expérience du porte-parolat
Si son expérience internationale est plus limitée que les profils susnommés, Gabriel Attal a pour lui celle de la représentation puisqu'il est porte-parole depuis l'été 2020 du gouvernement de Jean Castex. Natif des Hauts-de-Seine, il a comme beaucoup des jeunes macronistes (Gabriel Attal a 33 ans) fait ses débuts en politique du côté du PS, où il a commencé à militer contre le CPE en 2006 avant de rejoindre le cabinet de la ministre de la Santé Marisol Touraine pendant tout le quinquennat de François Hollande. Avant son actuel porte-parolat, cet ancien de l'École alsacienne a été secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse dans le deuxième gouvernement d'Édouard Philippe. Ouvertement gay et pacsé avec Stéphane Séjourné, il partage malheureusement avec son compagnon l'expérience des attaques plus ou moins ouvertes sur son homosexualité.
Mounir Mahjoubi : député, gay, expérience de gouvernement
Député ouvertement gay du 19e arrondissement de Paris dont il est natif, Mounir Mahjoubi, 38 ans, a indiqué au Parisien qu'il ne comptait pas rempiler en 2022 dans cette circonscription où Jean-Luc Mélenchon a fait 46% des voix au premier tour de la présidentielle. S'il semble vouloir prendre un peu de hauteur par rapport à la politique nationale, après avoir été secrétaire d'État au Numérique de 2017 à 2019 (il avait été nommé avant cela à la présidence du Conseil national du numérique par François Hollande), cela ne l'a pas empêché de mouiller la chemise dans la campagne pour la réélection d'Emmanuel Macron.
Franck Riester : député, gay, expérience de ministre
Contrairement à ses concurrents précédemment cités, Franck Riester, 48 ans, vient de la droite. Aujourd'hui il est ministre délégué chargé du Commerce extérieur (après avoir été à la Culture de 2018 à 2020), ce qui lui confère une expérience de négociation à l'international. Ce natif de Paris a été repéré au RPR par Guy Drut, alors maire de Coulommiers (Seine-et-Marne), dont il prendra la suite jusqu'en 2017. Entretemps, il est devenu en 2007 député de l'UMP, et sera le porte-parole adjoint de la campagne ratée de Nicolas Sarkozy pour sa réélection en 2012. Ouvertement gay, il est l'un des seuls députés de la droite à avoir voté le mariage pour tous – avec Benoist Apparu. À la tête de sa propre formation politique, Agir, il serait, à en croire Le Figaro, considéré comme encombrant au sein du gouvernement du fait de son autonomie.
Laurence Vanceunebrock : députée, lesbienne, connaissance des dossiers
Native du Pas-de-Calais, Laurence Vanceunebrock a un profil atypique pour une députée – élue en 2017 dans l'Allier sous l'étiquette LREM – puisqu'elle a commencé sa vie professionnelle comme gardienne de la paix. Ouvertement lesbienne, elle est devenue mère grâce à une PMA réalisée en Belgique avant son autorisation en France l'an dernier. Si la députée de 51 ans ne dispose pas d'expérience ministérielle ou internationale à faire valoir, elle a pour elle sa fine connaissance des dossiers à porter dans le cadre d'une diplomatie LGBTQI+, ayant été à l'origine de la proposition de loi d'interdiction des "thérapies de conversion", adoptée l'an dernier de dure lutte. Or, Emmanuel Macron a promis à têtu· de pousser l'interdiction de cette pratique au-delà de nos frontières : "Je souhaite que nous portions une initiative pour que l’ensemble de l’Union européenne nous suive dans cette interdiction".
Mélanie Vogel : sénatrice, lesbienne, écolo
Puisqu'Emmanuel Macron veut faire de l'écologie une priorité de son second mandat et qu'il cherche un·e chef·fe du gouvernement "attaché(e) à la question sociale (et) à la question écologique", l'heure est donc à l'ouverture. Et à la féminisation, qui serait aussi bienvenue aux plus hauts postes de la Macronie. Dans ce contexte, la sénatrice écologiste Mélanie Vogel (représentant les Français établis hors de France depuis 2021), ouvertement lesbienne, a le profil pour devenir ambassadrice référente LGBT+. Vivant en Belgique avec sa compagne Terry Reintke, eurodéputée allemande et co-présidente de l'intergroupe LGBTI, elle connaît bien les arcanes bruxelloises pour avoir été elle-même conseillère politique au Parlement européen. Âgée de 36 ans, cette native de Marseille diplômée du Collège d'Europe de Bruges peut également faire valoir son expérience de plaidoyer, ayant travaillé au Chili pour Amnesty international avant de diriger la campagne des écologistes aux élections européennes de 2014. Admiratrice d'Alice Coffin, Mélanie Vogel accorde une importance particulière à la visibilité en politique. Elle s'est également fait remarquer lors de l'examen l'an dernier par le Sénat de la loi de bioéthique, et est également signataire d'une tribune dans têtu· ayant appelé à voter contre Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle, tout en regrettant le manque d'engagement d'Emmanuel Macron pour protéger notamment les réfugiés LGBTQI+.
Alice Coffin : militante, lesbienne, écolo
Plus connue du grand public depuis le succès de son essai Le Génie lesbien, Alice Coffin est déjà, à seulement 43 ans, une militante LGBTQI+ de longue date. Diplômée du Centre de formation des journalistes (CFJ) à Paris, elle devient journaliste à 20 minutes, d'où elle confonde en 2013 l'Association des journalistes LGBT+ (AJL) dont elle deviendra la première présidente. Aujourd'hui élue écologiste au Conseil de Paris, elle a également fait naître la Conférence européenne lesbienne (EL*C). Récemment, elle s'est rendue en Pologne pour rencontrer et apporter du soutien aux lesbiennes ukrainiennes déplacées par la guerre dans leur pays. Cette Toulousaine de naissance est connue pour la hardiesse qu'elle met dans ses combats en défense des personnes LGBTQI+, en particulier des femmes. Son idéal la pousse à faire bouger les lignes, mais de là à se lancer dans la diplomatie ?
Un·e militant·e des droits humains
Quitte à parler d'ouverture, Emmanuel Macron pourrait également puiser, comme il l'affectionne tant, dans la société civile, en particulier dans dans le vivier militant comme il l'a fait en nommant Dominique Simonnot, journaliste engagée sur les dossiers carcéraux, au poste de Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, ou encore Claire Hédon, ancienne présidente d'ATD Quart-monde, comme Défenseure des droits. Si tel était sa volonté, le Président aurait du mal à choisir : on pourrait lui suggérer Cécile Coudriou, présidente d'Amnesty international ouvertement lesbienne, ou Sébastien Tüller, militant de la même association que têtu· a sacré personnalité militante de l'année 2021. Tous deux ont une expertise pointue des sujets LGBTQI+ dans le monde. Sébastien Tüller est par ailleurs rapporteur à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), ce qui lui donne toute légitimité pour proposer des améliorations dans l'accueil de réfugiés LGBTQI+ persécutés dans leur pays en raison de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.
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Crédits photos : Mélanie Vogel via Facebook / Sébastien Tüller via Instagram / Judith Litvine/MEAE / JF PAGA / Tristan Reynaud via Wikimedia Commons