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politiqueMacron, saison 2 : les dossiers LGBTQI+ sur la table de son futur gouvernement

Par Nicolas Scheffer le 25/04/2022
Emmanuel Macron a été réélu pour un second mandat ce dimanche 24 avril 2022

Après un premier quinquennat d'Emmanuel Macron qui s'est joué au finish sur les questions LGBTQI+, plusieurs chantiers ont été ouverts pour le nouveau gouvernement à venir, dont beaucoup restent flous dans leur ambition…

Emmanuel Macron réélu, le dernier Premier ministre de son premier quinquennat, Jean Castex, devrait prochainement remettre sa démission pour la formation d'un nouveau gouvernement avant les élections législatives des 12 et 19 juin 2022. Concernant les sujets LGBTQI+, de nombreux dossiers attendent plusieurs ministères : de l'Égalité évidemment, mais aussi de la Justice, de l'Éducation ou encore des Affaires étrangères. Tour d'horizon.

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Europe : faire barrage à l'homophobie d'État

La Pologne et la Hongrie portent atteinte aux droits des personnes LGBTQI+ au sein même de l'Union européenne. En Pologne, des zones "sans LGBT" ont été proclamées dans de nombreuses communes et sont alimentées par le discours LGBTphobe de l'exécutif réactionnaire. En Hongrie, le Premier ministre Viktor Orbán a fait de la "défense des enfants" le prétexte de son combat anti-LGBTQI+. En réponse, la Commission européenne a lancé contre les deux pays des procédures d'infraction et enclenché, dans le cas hongrois, le mécanisme de conditionnalité à l'État de droit.

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"La présidence française de l'Union européenne a permis de relancer les procédures enclenchées contre ces pays, bloquées depuis des mois au niveau européen", a assuré le candidat Macron à têtu· juste avant sa réélection ce dimanche 24 avril. Reste que Budapest et Varsovie ont engagé un bras de fer avec les institutions européennes sur les libertés des personnes LGBTQI+. Le prochain secrétaire d'État aux Affaires européennes devra donc reprendre ce chantier et notamment celui de l'élargissement du mécanisme de conditionnalité pour en faire "un mécanisme plus large de protection de l'État de droit", comme l'avait promis l'été dernier l'actuel occupant du poste, Clément Beaune : "J'aimerais que ce soit un combat que l'on amorce sous la Présidence française de l'Union européenne. On n'aura pas la nouvelle législation votée en quelques mois, mais on aura pu franchir un certain nombre d'étapes." La présidence française de l'UE se termine le 1er juillet.

Dans ses réponses à têtu·, le candidat Emmanuel Macron a par ailleurs promis de porter une initiative pour interdire à échelle européenne les "thérapies de conversion". Enfin, s'il ne s'est pas prononcé durant la campagne pour porter l'abrogation de la pénalisation de l'homosexualité à l'échelle mondiale, le président désormais réélu a écrit : "Je souscris à la proposition de nommer un ambassadeur référent LGBT+ au Quai d’Orsay". Une ligne à surveiller, donc, lors de la formation du prochain remaniement.

École : lutter contre le harcèlement et les LGBTphobies

À l'école, entre 800.000 et un million d'enfants sont victimes de harcèlement scolaire. Parmi eux, les adolescents LGBTQI+ sont particulièrement représentés. L'Assemblée nationale a voté en mars une loi pénalisant le harcèlement scolaire. Cette loi ne suffit pas, admet Emmanuel Macron qui veut "étudier la possibilité de créer une circonstance aggravante en cas de harcèlement aux motivations LGBTphobes".

À la question "Êtes-vous favorable à l'idée que les questions d'orientation sexuelle et d'identité de genre soient traitées au sein de l'école de la République et, si oui, à quel âge ?", le candidat Emmanuel Macron a répondu lors d'une interview à Brut : "Je ne suis pas favorable à ce que ce soit traité à l'école primaire, je pense que c'est beaucoup trop tôt (…) Je suis sceptique sur le collège, mais ma position n'est pas arrêtée…". Rétropédalage en règle quelques jours plus tard auprès de têtu· : "L’école a un rôle clé à jouer dans la lutte contre les préjugés et les discriminations envers les personnes lesbiennes, gay, bi, trans. C’est le lieu où l’on peut s’attaquer au problème à la racine. Le travail des associations LGBT+ et leur intervention en milieu scolaire, mais aussi péri-scolaire, est essentiel". Son futur ministre de l'Éducation serait donc bien inspiré de lui faire éclaircir cette consigne floue…

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Familles : faciliter la coparentalité

"Je m'engage à ce que les enfants issus de la GPA nés à l'étranger voient leur filiation reconnue à l'état-civil français", assurait le candidat Emmanuel Macron, première version, en 2017. Au cours du quinquennat écoulé, le président a pourtant fait voter un recul : la filiation des enfants nés d'une GPA ne peut plus être reconnue automatiquement, le parent non-biologique doit désormais adopter son propre enfant. Une loi, adoptée en fin de mandat, permet néanmoins qu'un couple ne doive plus nécessairement être marié pour que l'un de ses membres adopte l'enfant de l'autre.

Avant le second tour de la présidentielle 2022, Emmanuel Macron a promis à têtu· de "simplifi[er] la vie quotidienne des familles recomposées et des familles en co-parentalité, en facilitant plus qu’aujourd’hui le partage de l’autorité parentale", sans toutefois préciser les contours de cette réforme qui devra, selon toute vraisemblance, être portée par le ministre de la Justice. Et d'ajouter, après avoir réitéré lors de la présentation de son programme son opposition à la légalisation de la GPA en France : "En apportant aux projets de co-parentalité, par la simplification du partage de l’autorité parentale que j’évoquais plus haut, la sécurité juridique qui leur manque aujourd’hui, beaucoup d’hommes et de femmes trouveront une solution plus simple, plus sûre, accessible et plus respectueuse des droits des femmes qu’effectuer une GPA à l’étranger". Bien que sibylline, la formule fait elle-même le lien avec la gestation pour autrui, ouvrant la possibilité d'une GPA dite "amicale" en France ?

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PMA pour toutes : rendre la loi effective

Si la loi ouvre depuis quelques mois la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de lesbiennes, dans les faits, l'accès à cette technique est loin d'être une réalité pour de nombreuses femmes. Alors que le ministère de la Santé anticipait 2.000 parcours supplémentaires, 6.800 femmes se sont présentées pour obtenir un rendez-vous. Les centres n'étaient malheureusement pas dimensionnés pour l'afflux supplémentaire et les délais d'attente ont explosé. "Il faudra rapidement y remédier", pointe le Président toujours auprès de têtu·. Il faudra donc transmettre la mission à son prochain ministre de la Santé.

En revanche, bonne nouvelle : en mars, l'Agence de la biomédecine signalait que les dons se portaient particulièrement bien. Environ 600 hommes ont donné leurs gamètes en 2021 et 900 femmes leurs ovocytes, deux records ! Attribuant ces bons chiffres à une campagne de communication sur le don, Emmanuel Macron a promis de continuer "d’investir dans les campagnes de sensibilisation pour les dons de gamètes". Rien en revanche sur les points laissés bloqués par l'ouverture de la PMA : la technique de la ROPA et l'ouverture aux personnes trans.

Transidentité : simplifier les parcours

Emmanuel Macron "assume" qu'il était peu sensibilisé aux questions de transidentité au début de son premier mandat. Aujourd'hui, il l'assure : "J’ai entendu ces questionnements dans une partie de notre jeunesse". Il promet pour y répondre l'extension du délit d'outrage sexiste ou sexuel aux outrages envers les personnes trans. Son prochain ministre de l'Intérieur pourra donc expliquer les contours de cette réforme et ce qu'elle changera, puisque les injures transphobes sont déjà un délit.

Surtout, le président reconduit s'est engagé à simplifier les parcours de transition en supprimant les procédures administratives "si elles sont inutiles". Son prochain ministre de l'Intérieur permettra-t-il de changer d'état civil sur simple déclaration ? Il faudra lui rappeler la promesse.

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VIH/IST : rattraper le retard dû au Covid

La lutte contre le VIH/sida a pâti de l'épidémie de Covid-19. En 2020, le nombre de dépistages a diminué de 14% par rapport à 2019. L'Assemblée nationale a voté, en 2021, la généralisation de "Au labo sans ordo", permettant de se faire dépister dans n'importe quel laboratoire sans ordonnance ni avance de frais. Le prochain ministre de la Santé devra mettre en œuvre de manière pratique cette mesure déjà en place à Paris et dans les Alpes-Maritimes. Il devra également, avec le ministre de l'Éducation, mieux éduquer les adolescents, de moins en moins bien informés sur l'épidémie. Emmanuel Macron a enfin assuré qu'il comptait "bouger" sur la déconjugalisation de l'AAH, sans expliciter ce qu'il comptait faire après que sa propre majorité eut refusé à quatre reprises de le faire.

Après la publication fin mars d'un rapport pour lutter contre les conséquences néfastes voire dramatiques du chemsex, le prochain gouvernement devra trouver des moyens pour permettre aux usagers de diminuer les risques associés à cette pratique. Interrogé à ce sujet par têtu·, Emmanuel Macron n'a pas répondu, semblant donc se contenter du "en même temps" pratiqué par son actuel gouvernement, entre une politique de réduction des risques portée par la Santé (Olivier Véran) et la politique prohibitionniste de son ministre de l'Intérieur (Gérald Darmanin).

Reconnaître la pénalisation d'homosexuels jusqu'en 1982

La loi du 4 août 1982, portée par Robert Badinter et Gisèle Halimi, supprima le "délit d'homosexualité" : une disposition qui établissait la majorité sexuelle à 18 ans pour des relations homosexuelles quand elles était déjà fixée à 15 ans pour les relations hétéros. Selon les historiens Jérémie Gauthier et Régis Schlagdenhauffen, environ 10.000 personnes ont été condamnées pour "acte homosexuel" entre 1945 et 1978. Parmi eux, certains sont encore en vie et demandent une reconnaissance symbolique par la République de cet événement historique et de ces conséquences pour les vies des "condamnés pour homosexualité". Emmanuel Macron serait bien inspiré de le faire, à l'occasion par exemple cette année des 40 ans de cette loi. Pour l'heure, le président de la République ne s'est pas exprimé sur ce dossier mais, comme pour les autres, nous nous chargerons de le lui rappeler !

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Crédit photo : capture d'écran YouTube