Figure majeure de l'histoire gay, Hervé Guibert était écrivain mais aussi photographe. Ses autoportraits en noir et blanc sont mis à l'honneur à Paris pour les trente ans de sa mort.

Trente ans se sont écoulés depuis que le photographe, auteur et scénariste a décidé de mettre fin à ses jours avant que le sida ne l’emporte. Pendant quinze années d’intense production précédant sa mort prématurée à l'âge de 36 ans, Hervé Guibert a laissé une œuvre photographique importante dont les autoportraits sont exposés jusqu’au 5 février à la galerie Les Douches, à Paris.

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Armé de son Rollei 35, l'artiste a documenté ses proches et son monde intérieur. Ainsi, ses tantes Suzanne et Louise, ses amis et ses amours – Thierry Jouno, l’homme de sa vie, Christine, la compagne de Thierry qu’Hervé Guibert épousera, ou encore Vincent, qui lui inspire l’un de ses plus grands livres – peuplent ses clichés.

Les talents d'Hervé Guibert

Hervé Guibert cultive un talent pour la critique photographique et cinématographique, ayant œuvré à partir de 1977 pour Le Monde. Mais aussi pour l’écriture, en attestent les très incontournables À l’ami qui ne m’a pas sauvé, Fou de Vincent ou encore Cytomégalovirus, journal d'hospitalisation qui l’on fait connaître du grand public et qui, par extension, font de lui un des grands témoins des débuts de l'épidémie de sida. Proche de Michel Foucault et de Roland Barthes, il marque toute une génération par son écriture réaliste et sans concession qui relate autant ses histoires d’amour avec des hommes que le conflit familial qui l’a construit. 

L'histoire retient surtout son œuvre littéraire florissante, mais son œuvre photographique l’est tout autant. Hervé Guibert s'inscrit dans la tradition de l’autoportrait à travers 35 photos en noir et blanc. Quand ce n’est pas directement son visage représenté dans un autoportrait classique, c’est à travers un reflet dans le miroir, une ombre, ses pieds, son sexe, une vieille photo de jeunesse, un parfum et même ses doudous, Agneaudou et Belours, que le photographe se donne à voir.

L'art de l'autofiction

Comme dans toute son œuvre écrite et photographiée, l’autofiction est de mise. Quand ses romans mêlent habilement autobiographie et fiction, la photographie trouble elle aussi les repères de son public. Destruction de ses négatifs de jeunesse dont une photo apparaît dans un autre autoportrait, capture de ses tables de travail, là où naît l’inspiration... autant de mises en scène dans lesquelles rien n’est laissé au hasard pour créer un récit dont Hervé Guibert est le héros. Parmi ses obsessions, la maladie, avec un Autoportrait fiévreux mais aussi un Autoportrait gisant qui traduisent sa fascination prémonitoire pour la mort et le suicide.

Ultime preuve que Guibert s’invente une vie et transcende la réalité, il arrête de se prendre en photo les deux dernières années de sa vie, quand le sida gagne la bataille qu'il mène pour la vie. À cette époque, il travaille sur un film, La pudeur ou l’impudeur, qui documente de manière à la fois dure et poétique la progression de la maladie sur son corps. Un autoportrait filmé, cette fois, qui sera diffusé à la télévision de manière posthume. Hervé Guibert meurt le 27 décembre 1991, demeurant pour toujours acteur de sa vie et de ses clichés.

La galerie Les Douches à Paris représente l’œuvre d’Hervé Guibert en France et l’expose durant trois mois en ses murs, jusqu'au 5 février 2022. En parallèle, durant la foire internationale Paris Photo (du 11 au 14 novembre au Grand Palais), cinq clichés iconiques du photographe sont à retrouver sur le stand de la galerie, dont un portrait de son bien-aimé Thierry.

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Crédit photo : Hervé Guibert