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cinéma"Le drag est une vraie forme d’art" : rencontre avec Max Harwood, star de "Jamie" sur Amazon Prime

Par Olga Volfson le 20/09/2021
"Jamie" est disponible en streaming sur Amazon Prime Video

Dans Jamie, le jeune acteur anglais Max Harwood interprète un lycéen bien décidé à devenir drag-queen. Un film inspiré d’une histoire vraie, qui donne furieusement envie d’être la reine de la promo.

Comme de nombreux fans de comédies musicales, Max Harwood avait vu Everybody’s talking about Jamie, créée sur scène en 2017 et inspirée de l’histoire vraie d’un lycéen qui veut devenir drag-queen. Le jeune Anglais n’imaginait pas qu’à 24 ans il tiendrait le rôle-titre dans son adaptation en long métrage, Jamie. Tout en musique et en paillettes, cette histoire touchante et haute en couleur est disponible sur Amazon Prime Video.

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C’est ton premier rôle. Ça va, pas trop la pression ?

Max Harwood : Haha, oh que si ! Quand on part d’une histoire réelle, il y a une pression supplémentaire, celle de s’assurer qu’on honore, avec sensibilité, les racines du récit. Mais ça va, je gère.

Tu as de hauts talons à porter…

D’énormes talons, oui ! Et de grands pas à faire avec.

As-tu rencontré Jamie Campbell, dont l’histoire a inspiré le film ?

Oui, grâce aux producteurs, qui nous ont fait la surprise de l’inviter pendant les répétitions, deux jours avant le début du tournage. J’étais à la fois ravi et inquiet. Mais comme lui et moi sommes plutôt nerveux et facilement mal à l’aise, la connexion s’est faite assez vite et sans difficulté. J’ai compris que je pourrais l’incarner après avoir repéré chez lui une forme de fragilité, qui résonnait en moi. Puis on a parlé longuement, et ça m’a aidé à préparer le rôle. J’espère que mon travail a payé, vraiment, parce que si l’histoire de Jamie est simple, ce qui se passe à ce moment de sa vie est profondément difficile et complexe. J’ai vraiment envie de faire honneur à cette vérité-là.

À quel point ressembles-tu à Jamie ?

Il y a quelques similitudes dans nos parcours. Comme lui, en classe, je rêvais constamment de ce qui se passait en dehors des murs de l’école, et puis j’étais aussi très distrait par la pop culture. Mais ce qui est sûr, c’est qu’à l’âge de 16 ans je n’étais pas aussi courageux que lui. Dans mon lycée catholique, j’étais dans le placard. Je pense d’ailleurs que c’est en devenant adulte que j’ai commencé à lui ressembler. Autre grosse différence, c’est que j’ai grandi dans un environnement très aimant dans lequel j’ai trouvé du soutien, et pas uniquement de la part de ma mère, mais aussi de mon père. Mes parents m’ont toujours laissé être qui j’étais, m’ont toujours laissé m’exprimer, danser, chanter et faire ce que je voulais. Mon père, ma mère, ma sœur, ma famille plus éloignée, mes ami·es, tous·tes m’ont toujours soutenu et continuent de le faire.

À toi aussi on a offert des talons compensés rouges pailletés pour ton anniversaire ?

Haha non ! On ne m’a jamais offert de chaussures à talons. Pourtant, ma sœur et moi, on donnait régulièrement des petits spectacles dans notre salon, le genre de shows qu’on fait enfant. C’était souvent des comédies musicales, notamment Grease. Un jour, j’ai dit à ma sœur que c’était à son tour de jouer Danny et que j’allais, moi, tenir le rôle de Sandy, et j’ai enfilé une énorme perruque, très volumineuse. Ce jour-là, ma grand-mère était venue regarder, et j’ai bien failli lui causer une crise cardiaque ! Elle riait à se faire pipi dessus. Et c’est toujours resté comme ça : léger, fun. À la maison, on ne m’a jamais fait sentir que c’était quelque chose de honteux. J’ai beaucoup de chance d’avoir pu enfiler une perruque et d’avoir fait rire ma grand-mère sans que la moindre négativité ne s’invite.

Mis à part devant elle, tu avais déjà fait du drag avant le film ?

Non, jamais. Pendant le processus d’audition, l’équipe m’a mis une perruque sur la tête, un corset, des seins, une robe, et m’a fait un maquillage complet. C’était ouf ! C’était vraiment démesuré comme expérience ; on empile des couches et des couches d’accessoires, et, d’un coup, ça prend possession de toi ! Durant toute la préparation, le corset rend la respiration difficile, les seins sont lourds… Et puis, d’un coup, tu as une perruque, du maquillage, tout semble avoir pris place, pris forme, et tu te dis : “Eh oui, c’est moi, et vous allez m’entendre !”

C’est libérateur d’être une drag-queen ?

C’était incroyable. Je trouve cette transformation si expressive, magique et d’une grande beauté. J’aime le fait que ça puisse se manifester de bien des manières différentes : on peut s’investir dans un personnage très masculin ou très féminin, à mille lieues de la manière dont on se présente au monde quotidiennement. Et, surtout, j’aime que le drag soit à la fois amusant, artistique et politique !

Quel est l’élément du drag que tu préfères ?

Les perruques ! D’ailleurs, c’est une passion qui prend de la place. J’ai la fâcheuse habitude d’en acheter trop, sans d’ailleurs forcément les mettre. Il y en a partout chez moi.

C’était comment de tourner avec Bianca Del Rio, la superstar du RuPaul’s Drag Race ?

Ce fut une journée folle ! Bianca, on l’entend toujours avant de la voir, et sa voix est iconique. En plus, elle est vraiment comme on l’imagine  : maternelle, adorable, mais aussi mauvaise, très mauvaise, de la manière la plus drôle qui soit. Plusieurs personnes ont demandé à ce qu’elle leur fasse un reading [un “taillage de costard” en langage drag], et on a passé un super moment. C’était génial de la voir, elle, mais aussi de partager avec l’équipe la joie de passer un moment avec cette icône, cette légende. Et puis Bianca a un rapport particulier avec cette comédie musicale puisqu’elle joue Loco Chanelle dans la version théâtrale.

Quelles drag-queens t’ont inspiré pour ton interprétation du drag de Jamie ?

La drag-queen préférée de Jonathan Butterells [réalisateur du fi lm et metteur en scène de la version théâtrale] est la très élégante Sasha Velour. Ma référence, à moi, c’était Aquaria. On s’est vraiment inspirés des deux.. Quelles sont tes queens préférées ? Je suis très fan de Jan. Elle chante, elle danse, elle fait tout. J’ai envie qu’elle devienne l’Ariana Grande du drag, qu’elle fasse une tournée mondiale durant laquelle je la suivrais. Jackie Cox, aussi, est géniale. Et j’adore Bob the Drag Queen, car elle est très drôle. Je ne l’ai pas encore rencontrée, mais j’aimerais vraiment.

Tu as changé de point de vue sur le drag ?

En tant que public – dans les clubs de Londres et à la télévision –, je me rends compte que les queens parviennent à donner l’illusion que ce qu’elles font est facile. Un look et hop, elles sont la fête à elles toutes seules ! Mais, maintenant que je sais ce qui se passe en coulisses, et à quel point c’est difficile, je suis encore plus en admiration. Surtout pour les filles londoniennes que je connais, qui créent elles-mêmes leurs perruques et leurs tenues. Le drag, c’est une vraie forme d’art.

Aimerais-tu, après cette aventure, devenir à ton tour une drag queen ?

Je ne pourrais carrément pas. C’est tellement de travail et d’investissement ! J’adore le maquillage, et c’était super de travailler avec mon make-up artist sur ce tournage. J’ai vraiment passé des moments formidables durant cette étape, mais, si je devais prendre les pinceaux, le résultat serait loin du compte. Donc je vais vous épargner ça en continuant d’être acteur et en laissant faire les professionnel·les ! Mais, qui sait, on pourra peut-être avoir quelques apparitions de moi en perruque de temps en temps…

Le drag devient de plus en plus populaire, voire grand public. Quel impact est-ce que tu crois que cela a sur la société ?

À mon sens, le fait que le drag soit aujourd’hui plus visible a permis bien des conversations sur les identités LGBTQI+. La visibilité, ça change tout. Pour nous, personnes queers, prendre possession des insultes qui nous sont adressées, les débarrasser de leur négativité, c’est d’une grande puissance et c’est ce que le drag permet, aussi. Pendant longtemps, être queer n’était pas quelque chose de positif. Me faire traiter de queer à l’école me faisait pleurer. Mais aujourd’hui je m’identifie comme queer, c’est mon quotidien, grâce notamment à l’espace qu’occupent les drag-queens, et je ne voudrais plus diluer cette partie de moi, que j’ai appris à aimer, pour qui que ce soit !

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Crédit photo : Misan Harriman/Amazon Content Services LLC