LGBTphobieLoi "Stop LGBT" en Pologne : la bataille a commencé au Parlement

Par Nicolas Scheffer le 29/10/2021
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Un projet de loi homophobe interdisant les marches des Fiertés est arrivé à l'Assemblée nationale de Pologne, via une pétition qui a recueilli plus de 140.000 signatures.

Il y a des projets de loi qui ne devraient jamais aboutir sur le bureau d'un Parlement. En Pologne, une pétition recueillant plus de 140.000 signatures a conduit à mettre à l'ordre du jour une proposition de loi remettant en cause - comme c'est original - les droits des personnes LGBTQI+. Ce jeudi 28 octobre, les parlementaires polonais ont donc examiné la loi "Stop LGBT" dans une Assemblée divisée.

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"C'était le discours le plus dégoûtant que j'ai entendu à la Diète [le nom de l'Assemblée polonaise, ndlr]", a commenté Włodzimierz Czarzasty, député de l'Alliance de la gauche démocratique et vice-président de l'Assemblée dans les colonnes du quotidien polonais Wyborcza. Il réagissait aux propos de Krzysztof Kacprzak, l'un des militants de la "Fondation vie et famille" qui a porté la pétition et la proposition de loi. Ce dernier assurait que "les LGBT commencent leur marche vers le pouvoir comme le NSDAP a commencé la sienne dans les années 1930". Le NSDAP, c'est tout simplement le Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, ou parti nazi… Il poursuit : "Le mouvement LGBT veut introduire la terreur. On le voit en Occident". Dans l'hémicycle, sa harangue homophobe a fait largement réagir, certains députés comptant bruyamment les secondes avant la fin de son temps imparti, rapporte le média Onet.

"Propagande homosexuelle dans l'espace public"

Le projet de loi, inspiré de la loi russe contre la "propagande LGBT" qui a également essaimé en Hongrie, vise à interdire la "propagande homosexuelle dans l'espace public", c'est-à-dire concrètement les Pride. Selon Associated Press, les parlementaires ont voté, ce vendredi, pour poursuivre l'examen du texte. Dès jeudi, la tension était palpable dans l'hémicycle de la Diète. Une partie des parlementaires d'opposition ont qualifié la proposition de loi d'inhumaine et contraire au droit de manifester garanti par la Constitution. Brandissant un drapeau arc-en-ciel et tournant le dos aux orateurs homophobes, certains députés en faveur des droits LGBTQI+ ont fini par quitter l'hémicycle.

"Si cette initiative ne provient pas directement du gouvernement polonais, il faut tout de même rappeler que la normalisation d'une rhétorique LGBTIphobe par le gouvernement a créé un environnement dans lequel les gens se sentent autorisés à déverser leur haine contre nos identités", analyse pour de TÊTU Sébastien Tüller, responsable des questions LGBTI chez Amnesty International.

"Nous voulons vivre au Moyen-Âge"

Le texte a reçu l'aval de certains parlementaires du parti conservateur au pouvoir, Droit et Justice (PiS). Notamment de Piotr Kaleta, qui a brandi des photos d'hommes manifestant avec des (énormes) godemichets. Photos qui se sont finalement avérées être un photomontage à partir de clichés pris au Michigan montrant à l'origine des hommes armés de fusils, que des internautes se sont amusés à remplacer par des sextoys. "Nous voulons la normalité en Pologne. Si c'est ça vivre au Moyen-Âge, alors nous voulons vivre au Moyen-Âge", s'indignait le député, ces photos à la main.

L'adoption d'un tel texte remettrait une couche dans les relations particulièrement tendue entre la Pologne et les institutions européennes, qui accusent déjà l'exécutif polonais de ne pas respecter l'État de droit. Un arrêt du tribunal constitutionnel polonais, contrôlé par le pouvoir nationaliste et conservateur, a récemment remis en cause la primauté du droit européen sur le droit national. À la demande de la Commission européenne, la Cour de justice de l'UE a décidé d'une sanction d’un million d’euros par jour à l’encontre de Varsovie tant que son gouvernement ne sera pas revenu sur l'une de ses réformes de la justice perçue comme une prise en main par l'exécutif. Certains élus de la majorité semblent trouver que les tensions entre Varsovie et Bruxelles sont déjà suffisamment fortes pour ne pas ouvrir un nouveau front.

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Crédit photo : capture d'écran Twitter/@KancelariaSejmu

Mise à jour à 17h15 : Ajout du vote de l'assemblée pour poursuivre l'examen du texte