Avec l’arrivée d’une jeune génération aux modes de lutte différents, de vieux militants se sentent exclus des combats. Dans les associations LGBTQI+, l’heure est au clash.
[Cet article est à retrouver dans le magazine têtu· de l'été, actuellement en vente]
“J’en ai marre, marre, marre. Marre des jeunes qui pensent tout nous apprendre, marre qu’ils oublient toutes les luttes qu’on a menées alors qu’ils n’étaient même pas nés. Marre de se faire traiter de vieux réacs parce qu’on ne se passionne pas pour tout ce qu’ils croient inventer.” Cette diatribe au vitriol est signée d’une figure du milieu LGBTQI+ lyonnais ayant récemment pris ses distances avec le militantisme. Dans la deuxième ville de France, les deux dernières Prides (celle de 2020 n’a pas eu lieu pour cause de Covid-19) ont laissé un goût amer, et l’ambiance est depuis quelque temps très tendue entre “les vieux pédés, les vieilles gouines”, dixit notre interlocuteur, et des militants plus jeunes qu’il qualifie de “radicaux”. Toutefois, “ce qui se passe là-bas est à l’image du reste du monde militant LGBTQI+”, diagnostique Christine Le Doaré, présidente de SOS homophobie de 1997 à 2003 et dirigeante du Centre LGBT de Paris de 2005 à 2012.
Premier épisode, en juin 2019 : alors que la Marche organisée par la Lesbian et gay pride de Lyon (LGP) démarre sous une pluie battante, de jeunes militants se définissant comme “antiracistes, antifascistes et anticapitalistes” tentent de se placer en tête du cortège, en lieu et place des organisateurs et de plusieurs élus locaux. “Notre idée, c’était de foutre en l’air toutes les habitudes qui font ressembler les Prides à une soirée mousse ou à un concours de tee-shirts mouillés. Si les vieux s’y retrouvent, désolé pour eux. C’est pas ça la lutte, c’est pas ça le militantisme. Nous, on n’a pas envie de se vendre”, décrypte l’un des participants de cette action discutée. Les organisateurs, quant à eux, ont vu les choses autrement. “Un groupe « queer radical » de 30 à 60 personnes a voulu prendre la tête du cortège en nous traitant de fachos. Ils ne voulaient pas avancer, ralentissaient la marche, donc on a décidé de ne pas continuer à défiler. On peut avoir des désaccords, mais ce genre de choses n’est pas acceptable”, explique alors dans la foulée à têtu· Olivier Borel, l’un des organisateurs....