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égliseAccusé d'abus sexuels lors de "thérapies" anti-gay, Tony Anatrella écarté par l'Église

Par Nicolas Scheffer le 19/01/2023
Tony Anatrella

Le prêtre Tony Anatrella, l'un des théoriciens français de l'homophobie d'Église et adversaire vigoureux des droits pour les couples homosexuels, a été sanctionné a minima par l'Église catholique après avoir été accusé par de jeunes hommes d'attouchements sexuels lors de séances de "thérapies de conversion".

Tony Anatrella s'est vu enjoindre de se retirer pour "une vie de prière dans un quotidien plus reculé"… Accusé d'abus sexuels sur de jeunes hommes, ce "prêtre psychanalyste" de 81 ans a été contraint de cesser toute activité de thérapeute, à l'issue d'un procès canonique dont l'issue a été annoncée ce mardi 17 janvier par le diocèse de Paris. L'homme doit renoncer à "toute publication d'ouvrage" et ne pas participer à des colloques ou conférences sous peine de "sanctions canoniques". Aboutissement d'une longue procédure parsemée de nombreux recours, la décision a été prononcée en décembre dernier et rendue publique au terme du délai pendant lequel l'intéressé pouvait faire appel.

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En 2006, des anciens patients du prêtre avaient porté plainte pour attouchements sexuels lors de séances de "thérapies de conversion"désormais explicitement punies par la loi – organisées par le prêtre dans les années 1970. Les plaintes avaient été classées sans suites par le parquet de Paris pour cause de prescription ou d'absence de preuves suffisantes, rappelle La Croix. De nouveaux témoignages ont émergé en 2016, mais là encore, les faits étaient prescrits pour la justice républicaine. En revanche, le diocèse de Paris a mené une enquête interne qui a abouti, en 2018, à l'interdiction pour le prêtre d'exercer tout ministère sacerdotal et de pratiquer son activité de psychanalyste – certains de ses pairs contestent d'ailleurs sa formation dans ce dernier domaine.

Anatrella invité au Vatican

Malgré tout, le prêtre avait participé en février 2022 à un symposium sur la famille au Vatican. Une invitation qui avait profondément choqué le monde de la foi et donné à l'affaire Anatrella une dimension internationale. Pour mettre fin à ces apparitions publiques, "les sanctions imposées en décembre dernier complètent le dispositif de 2018", insiste une source diociésienne auprès du quotidien catholique. Tony Anatrella pourra néanmoins conserver le statut de prêtre, rattaché au diocèse de Paris, au grand dam des victimes.

"C’est une déception, a réagi Me Nadia Debbache, avocate des plaignants. On pensait qu’il y a suffisamment d’éléments pour que Tony Anatrella soit renvoyé de l’état clérical [la peine la plus lourde prévue par le droit canonique]. On parle de faits graves, répétés, d’agressions sexuelles." Une note interne dévoilée par Libération indique que "des éléments n'ont pas été retenus par le dicastère [curie en charge du dossier] au bénéfice du doute et que d'autres éléments, quoique prouvés, sont considérés comme prescrits". Le prêtre a en outre bénéficié d'une solide protection des hommes d'Église jusqu'en 2016, rappelle Libé.

Théoricien de l'homophobie d'Église

Tony Anatrella est l'un des théoriciens français de l'homophobie d'Église. Lors du débat sur le Pacs en 1999, il s'est vigoureusement opposé au texte avec des arguments homophobes. "C'est à partir de la relation homme-femme, qui s'exprime à travers l'hétérosexualité et dont découle la famille, que se fonde la société (...) Qu'on le veuille ou non, l'homosexualité reste le symptôme d'un problème psychique et d'un en-deçà de la différence des sexes", écrivait-il notamment dans une tribune fleuve publiée dans Le Monde, intitulée "À propos d'une folie".

"Il y a une différence de nature entre un couple hétérosexuel, fondé sur la différence des sexes, et un couple homosexuel basé sur la recherche du semblable. Ce qui est délirant, c'est que les homos en viennent aujourd'hui à revendiquer le droit à l'adoption alors que leurs couples, souvent instables, sont par nature inféconds", déclarait-il un an plus tard au Parisien. En 2005, Tony Anatrella a largement contribué à la rédaction d'un texte interdisant la prêtrise aux homosexuels, ainsi qu'à tous ceux qui "soutiennent ce qu'on appelle la culture gay".

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Crédit photo : Peter Potrowl / CC Wikimedia commons