Pour la 76e édition du Festival de Cannes, têtu· est allé faire le guet sur la Croisette afin de repérer les sorties cinéma queers à venir. Aujourd'hui, on vous parle de Rosalie, un drame d'époque qui questionne la différence.
Au rayon des synopsis les plus désarçonnants du cru cannois 2023, le second long-métrage de Stéphanie Di Giusto – remarquée en 2016 avec La Danseuse et Soko en tête d'affiche – se place en top de liste. Sobrement titré Rosalie, le film s'intéresse à son héroïne éponyme tout ce qu'il y a de plus singulière. En 1870, en France, cette jeune femme blonde bien sous tous rapports se retrouve mariée à Abel, un gérant de café croulant sous les dettes. Mais à peine ont-ils officialisé leur union que ce dernier apprend la vérité sur sa belle : Rosalie est ce qu'on appelle une femme à barbe, son corps et son faciès étant recouverts d'autant de poils qu'un homme lambda.
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En un peu moins de deux heures, Rosalie narre avec beaucoup de compassion les affres de cette protagoniste hors du commun. Bien qu'elle doive essuyer des moments de faiblesse, elle s'impose comme une femme forte qui apprend à assumer sa particularité, puis à la revendiquer, en dépit des regards pesants. À l'écran, Nadia Tereszkiewicz (sacrée Révélation féminine lors des derniers Césars pour son intense prestation dans Les Amandiers) apporte autant de sensibilité que d'effronterie à son interprétation, faisant de sa Rosalie un personnage souvent insaisissable.
Nuances de queer
Et si le film est en lice pour la Queer Palm, ce n'est pas pour le bref baiser lesbien entre deux personnages secondaires – dont Juliette Armanet sous les traits d'une travailleuse du sexe. C'est que le prix récompense des films traitant de thématiques ou de personnages LGBT+, mais aussi féministes ou remettant en cause les normes de genre. Rosalie est de toute façon éminemment queer, terme qui renvoie à la notion de bizarrerie, ce qui l'a fait employer pour montrer du doigt les minorités sexuelles et de genre.
Au fur et à mesure de l'intrigue, le personnage de femme à barbe suscite la fascination avant d'être mal regardée, dénigrée, ostracisée puis violentée. Ou la métaphore par l'histoire de la condition queer moderne. Malgré un scénario quelque peu scolaire et des précipitations dans le dernier acte, le nouveau film de Stéphanie Di Giusto vise juste dans son approche de la différence et de la pression extérieure.
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Crédit photo : Gaumont Distribution