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politiqueIl y a encore des bras de fer à engager, et des victoires possibles

Par Thomas Vampouille le 01/10/2021
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Cette impression d’être sur un point de bascule. À voir l’Europe et le monde brûler, se noyer, à regarder Kaboul retomber dans la terreur, à entendre le Giec nous dire que le temps est sans doute passé d’un non-retour climatique ; et puis cette pandémie qui nous balance sans cesse, de restrictions en respirations, de nouvelles vagues en semblants d’accalmie... Nouvelle vague, aussi, ces derniers mois d’agressions homophobes en Europe, en Corse, chez nous. Jusqu’au meurtre atroce de Samuel Luiz, aide-soignant gay de 24 ans, battu à mort en Espagne à la sortie d’une boîte de nuit. On aura sacrément dévalé, cet été, les pentes de mauvaises routes.

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La rentrée est évidemment politique puisque, déjà, la présidentielle frappe de nouveau à la porte, sans grand enthousiasme. Il va pourtant falloir s’enthousiasmer, s’intéresser du moins, car des luttes restent à mener pour trancher nos choix de société. Pour les droits des personnes trans. Pour l’honneur de l’Europe face aux cibles afghanes de l’obscurantisme, et pour ses valeurs, menacées en son sein par des démocraties vacillantes. La Hongrie et la Pologne, où les gouvernements du moment s’allient à l’extrême droite contre les homos, les personnes trans et les femmes, nous rappellent qu’ici non plus il n’y pas de fin de l’histoire, que les accidents sont possibles et les reculs rapides ; que de ces peurs agitées, de ces haines recuites, les premières cibles sont toujours les mêmes.

Ces dernières années, les militant·es féministes, écolos, LGBTQI+, ont montré qu’il y avait encore des bras de fer à engager, et des victoires possibles. On n’aurait pas imaginé, en 2013, au vu du coût payé pour gagner le mariage pour tous, qu’en moins de dix ans on aurait fait tout ce chemin en plus sur les droits des femmes, le consentement, l’écoute des victimes, la visibilité des minorités. En un mot, sur le respect. La PMA, en revanche, on la voyait venir plus tôt ; tant de promesses et tant de retards, il va falloir qu’Emmanuel Macron s’en explique avant de refaire campagne.

L’heure est à se parler pour retrouver comment, ensemble, on veut continuer à avancer.

Adolescent au début des années 2000, je n’aurais pas rêvé non plus, en voyant entrer Steevy dans le Loft, que vingt ans plus tard ceci ne ferait plus événement, qu’il y aurait tant d’autres de nos visages, de nos histoires et de nos réussites à la une. Que celles-ci forceraient le respect : plus de 60 médailles olympiques remportées à Tokyo par des athlètes ouvertement LGBTQI+, inédit ! Ce n’est pas qu’on a progressé en sport, hein, on les gagnait déjà les médailles mais depuis nos placards, tressaillant sous les chants homophobes – des supporters bouchés n’ont d’ailleurs toujours pas compris. Aujourd’hui, néanmoins, si la télé progresse moins vite qu’on aurait pu l’espérer, un·e collégien·ne peut voir simplement sur Netflix, grâce à des personnages comme ceux de Sex Education, qu’être homo, trans, non-binaire, c’est OK, et qu’on peut aussi bien ne pas choisir, ou choisir d’être soi et c’est tout.

Alors tout ne va pas mal et, quand bien même, ce n’est pas une raison pour se claquemurer, au contraire. On s’est assez isolés durant les confinements. L’heure est à se parler, Marina Foïs le dit si bien, pour retrouver comment, ensemble, on veut continuer à avancer. Trouver comment, aussi, l’humanité se partagera à l’avenir l’étroite bande vivable qu’offre notre planète, qui va s’amincissant avec le réchauffement. Il faudra bien qu’on s’y serre.

TÊTU est là pour ça, et nous allons continuer, ensemble, à vous donner des voix, des visages et quelques clefs, apportées par vos parcours et vos initiatives, vos arts, vos idées, vos combats. Puis, quand on aura discuté, qu’on se sera disputés, voire engagés, alors à un moment donné il faudra bien aller voter ; mais, avant cela, il va falloir qu’on se parle.

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Crédit photo : Thais Do Rio/Unsplash