Dans un reportage diffusé le 24 octobre dernier sur ABC, un journaliste américain a fait son coming-out au chef de la police tchétchène, accusé d'avoir mené des "purges anti-LGBT".
La séquence fait froid dans le dos. Le 24 octobre dernier, la chaîne ABC a diffusé le reportage d'un de ses journalistes, James Longman, qui a enquêté sur les "purges" des homosexuels en Tchétchénie. Dans la vidéo, on entend notamment le témoignage bouleversant d'une victime présumée de ces exactions. Amin dit s'être échappé du pays après avoir été "battu et électrocuté pendant 14 jours".
Mais plus terrifiant encore, le journaliste a rencontré le premier vice-ministre des Affaires intérieures de la République tchétchène, à la tête de la police, Apti Alaudinov, accusé d'avoir mené les "purges anti-LBGT" dans le pays.
Une scène presque surréaliste
Au micro de James Longman, l'homme a nié toute violence qui pourrait être commise envers les personnes LGBT+ dans le pays. Selon lui, elles ne peuvent pas exister puisque les personnes homosexuelles n'existent pas en Tchétchénie.
"Demandez à n'importe quel Tchétchène 'avez-vous des gays dans votre famille' ?', il vous frapperait, a-t-il simplement rétorqué au journaliste. Pourquoi ? Parce que ça serait une insulte pour lui".
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Quelques secondes plus tard, on retrouve James Longman dans une des cellules où auraient été incarcéré et torturé des personnes homosexuelles. "Que se passerait-il si je vous disais que j'étais gay ?", a alors demandé le journaliste au chef de la police.
Les secondes qui suivent semblent presque surréalistes. Apti Alaudinov se met alors à éclater de rire et demande : "Je suis curieux, comment ça marche ?"
"Ca ne vous gêne pas que je vous dise que je suis gay ?", ajoute James Longman. "Je n'ai pas à baptiser mes enfants avec vous. Vous allez retourner dans votre pays (...) C'est votre vie, mais ne nous apprenez pas comment vivre. C'est tout!" a rétorqué le chef de la police.
Un peu plus tard, dans la voiture, James Longman estime face caméra, que "c'est parce qu'il est étranger que ça n'a pas d'importance". "Je n'aimerais pas que vous soyez mon ami", a toutefois conclu Apti Alaudinov.
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Purges en Tchétchénie
Le journal russe Novaïa Gazeta avait révélé en 2017 que des homosexuels étaient la cible de persécutions de la part des autorités tchétchènes. Des témoignages similaires avaient ensuite été recueillis par plusieurs médias français, dont l’AFP, et plusieurs réfugiés tchétchènes ont été accueillis dans l’hexagone.
Dans un communiqué de presse publié le 8 mai dernier, Human Rights Watch (HRW) dénonce une « nouvelle vague de répression anti-gay » dans le pays. La police tchétchène a procédé à une « nouvelle série d’arrestations illégales, de passages à tabac et d’actes humiliants à l’encontre d’hommes présumés homosexuels ou bisexuels », peut-on lire dans le texte.
L’ONG dit par ailleurs avoir recueilli les témoignages de quatre hommes détenus dans un centre géré par le départements des affaires intérieures de Grosny – capitale de la Tchétchénie – entre décembre 2018 et février 2019.
« Un détenu a été violé avec un bâton »
« La police les a battus en utilisant des bâtons et des tuyaux en polypropylène, les a frappés à coups de pied, et a torturé trois des quatre hommes par le biais de décharges électriques, détaille HRW. Un détenu a été violé avec un bâton. »
Les quatre hommes auraient été détenus durant des périodes allant de trois jours à vingt jours. « Dans au moins trois cas, la police a exigé d’importantes sommes d’argent pour la libération des hommes détenus », ajoute l’ONG.
Selon Igor Kochetkov, le président d’un réseau LGBT russe, la police tchétchène a détenu au moins 23 hommes entre décembre 2018 et avril 2019, en raison de leur homosexualité ou bisexualité présumée. En janvier dernier, il affirmait que près « de 40 personnes ont déjà été arrêtées […] et au moins deux personnes sont mortes à la suite de tortures. »
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Face aux demandes ONG et des associations, une enquête avait été ouverte en 2017 par le parquet général russe. Mais les enquêteurs ont dit n’avoir reçu « aucune plainte officielle » de victime. Le Réseau russe LGBT et plusieurs ONG ont regretté à plusieurs reprises qu’aucune « enquête sérieuse » n’ait été entreprise.
Crédit photo : ABC.