PolognePologne: des manifestations dans tout le pays pour défendre une militante LGBT+ arrêtée par la police

Par Romain Burrel le 10/08/2020
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Des milliers de personnes ont défilé en Pologne, samedi 8 août, pour protester contre l'arrestation d'une militante LGBT+ ainsi que d'une cinquantaine de personnes venues s'opposer à son placement en détention préventive.

La Pologne est-elle en train de se réveiller face à l'homophobie du pouvoir ? Ce sont des milliers de personnes qui se sont réunies, samedi 8 août, dans tout le pays. Dans la capitale, Varsovie, mais aussi à Cracovie, Lódz, Wroclaw, Lublin, Poznan... Des rassemblements spontanés en soutien à la communauté LGBT+ et contre les brutalités policières.

Cette mobilisation sans précédent intervient après l’arrestation à Varsovie d’une activiste LGBT+ et l’interpellation d’une cinquantaine de militants qui tentaient de s’y opposer. La jeune femme trans, Małgorzata Szutowicz, connue sous le nom de Margot, a été placée en détention préventive pour deux mois sur décision d’un tribunal.

Elle est accusée d'avoir dégradé en juin dernier une fourgonnette. Le véhicule de l'association anti-avortement "Fondation pro-droit à la vie" circule fréquemment dans le centre de Varsovie, recouvert d'affiches mettant en lien homosexualité et pédophilie, et proférant des slogans homophobes.

"Vous ne nous enfermerez pas tous !"

"Quarante-huit personnes ont été interpellées. Les procédures seront menées avec la participation des avocats de la défense. Elles seront également menées en rapport avec des insultes proférées envers un policier ainsi qu'avec des dommages faits à la voiture de police", a déclaré la police de Varsovie sur Twitter.

La plus grande manifestation a eu lieu à Varsovie, dans le centre de la ville, où plusieurs milliers de personnes s'étaient rassemblées. Certaines portaient des drapeaux ou des parapluies arc-en-ciel. « Nous nous réunissons pour protester ensemble contre la violence et l’homophobie systémique », ont déclaré, dans un communiqué, les organisateurs, une collectif de groupes de défense des droits des personnes LGBT+.

"Empathie, solidarité, action !", pouvait-on lire sur les pancartes ainsi que des messages de soutien à la jeune militante écrouée. "Tu ne marcheras jamais toute seule !", scandaient les manifestants en soutien à la jeune femme. "Vous ne nous enfermerez pas tous!", criaient-ils à l'adresse de la police polonaise.

Arrestation et mégenrage

La détention préventive décidée à l'encontre de Margot choque une partie de l'opinion polonaise. Cette mesure est d'habitude imposée pour éviter qu'un nouveau crime soit commis.

Margot fait partie d'un groupe d'activistes nommé "Stop Bzdurom" ("Stop à l'absurdité"). C'est ce mouvement que la police suspecte d'avoir décoré plusieurs monuments de Varsovie, dont une statue du Christ, avec des drapeaux LGBT+. La jeune femme risque 7 ans de prison pour des actions reprochées à "Stop Bzdurom".

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Pour parfaire le tableau, la militante a été déférée au tribunal sous son deadname et mégenrée. "Dès que *l'homme* a été arrêté et conduit dans la voiture de police, un groupe de personnes a sauté sur la voiture de police, a déclaré le porte-parole de la police de Varsovie. Dans ce cas, nous avons pris des mesures pour assurer à la fois la sécurité des policiers, du détenu et la sécurité de la basilique Sainte-Croix, car l'église était la cible de certaines de ces personnes."

Protestations de l'opposition

L'arrestation de Margot a également provoqué des protestations de l'opposition polonaise et des institutions internationales.

"J'appelle à la libération immédiate de la militante LGBT Margot (...) détenue hier pour avoir bloqué une camionnette anti-LGBT haineuse et mis des drapeaux arc-en-ciel sur les monuments à Varsovie. Ordre de la détenir pendant 2 mois envoie un signal très effrayant pour la liberté de parole et les droits des (personnes) LGBT en Pologne", a écrit samedi sur Twitter la commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic.

"J'aimerais bien voir les criminels dangereux poursuivis aussi ardemment que les militants", a déclaré vendredi Hanna-Gil Piatek, une élue de gauche présente à la manifestation.

Sanctions de l'Europe

Décidément, le pouvoir polonais se complaît dans l'homophobie. Pendant la campagne pour sa réélection, le président Andrzej Duda avait comparé "l'idéologie LGBT" à un "néo-bolchevisme". Les électeurs l'ont réélu de justesse après une campagne conservatrice et LGBTphobe. Cela a encouragé son vice-ministre des Biens de l'État à se déclarer favorable à étendre les "zones sans LGBT" à toute la Pologne.

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De telles zones ont été déclarées par une centaine de communes qui se déclarent "sans idéologie LGBT". La Commission européenne y a vu une atteinte aux "droits fondamentaux" et a décidé de sanctionner financièrement six villes polonaises.

Crédit photo : Capture d'écran Facebook