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reportageMois des Fiertés : une première Pride réussie à Agen

Par Nicolas Scheffer le 02/06/2023

La première marche des Fiertés d'Agen, dans le Lot-et-Garonne, a donné cette année le coup d'envoi des Prides. Dans cette ville de 34.000 habitants, on ne s'attendait pas à un tel succès. têtu· était présent.

"C'est le plus beau jour de ma vie. Qui aurait pu croire qu'une marche des Fiertés se tiendrait ici ?" s'émeut, les yeux embués, Aymeric, Bordelais ayant grandi à Agen, la préfecture du Lot-et-Garonne dans le sud-ouest. À la fin des années 1990, au lycée, il était la cible de ses camarades, notamment du groupe des rugbymen. "C'était interdit d'être homo", se souvient-il. Mais ce samedi 13 mai, il tient sa revanche : un énorme cortège a envahi pour la première fois les rues de sa ville d'origine, tandis que lui a fait bouger les marcheurs agenais et leurs alliés lors de la soirée d'après manifestation, au Florida, un espace culturel où se réunit la communauté LGBTQI+ du coin.

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Alors que débute le mois des Fiertés, qui verra plusieurs marches parcourir nos villes, Agen a donc ouvert le bal à la mi-mai. Mais dans cette ville où l'extrême droite réalise de bons scores électoraux – au premier tour de l'élection présidentielle en 2022, Marine Le Pen est arrivée largement en tête avec 27,3% des voix, contre 23,1% pour Emmanuel Macron et 18,5% pour Jean-Luc Mélenchon –, l'organisation d'une Pride était loin d'être un détail. Et celle-ci fut un succès, puisque l'événement a réuni, selon la police, 1.100 personnes – sur une ville de 34.000 habitants.

Des associations impliquées

"C'est impressionnant ! s'exclame Émilie, 36 ans, soufflée par le succès de la première marche dans sa ville natale. Adolescente, je ne me suis jamais sentie légitime dans ma bisexualité. Aujourd'hui, montrer qu'on est nombreux, qu'on est tous très différents mais qu'on accueille tout le monde, qu'Agen est une ville cosmopolite, c'est vraiment important pour les jeunes, pour qu'ils se sentent acceptés." Et c'est pourquoi Aude s'est investie dans l'organisation de la marche. "On pensait naïvement que l'on était les seules personnes queers du Lot-et-Garonne et, en commençant à nous investir dans le féminisme, on s'est rendu compte que nous étions nombreuses", explique la jeune femme, qui vit à une vingtaine de kilomètres d'Agen. Côté association, les antennes locales de Aides, du Refuge et du Planning familial ont prêté main-forte à l'association féministe La Mèche pour former le collectif Pride 47. Au-delà du département, des personnes queers venues de Bordeaux, de Toulouse et de Paris ont également répondu présentes et proposé des performances.

"C'est très émouvant de voir des gens qui ne sont pas directement concernés mettre la main à la pâte."

Au total, une cinquantaine de personnes se sont portées volontaires pour soutenir le collectif, doté d'un budget d'à peine 1.800 euros. "C'est très émouvant de voir des gens qui ne sont pas directement concernés mettre la main à la pâte", note Chloé, une jeune femme qui a marché pour la première fois depuis les débats sur le mariage pour tous. Au lycée Debaudre, la CPE a proposé aux étudiants, le vendredi, de porter des couleurs vives, et des affiches ont été collées sur les murs – et régulièrement arrachées. Place Carnot, où se tenait le village des Fiertés, noir de monde, la boulangerie Jules & John a pour sa part ajouté à sa carte un gâteau arc-en-ciel, en soutien à l'événement.

Lova Ladiva en invitée de marque

Et c'est derrière un petit char où trônait Lova Ladiva, queen toulousaine révélée grâce à l'émission Drag Race France, qu'une foule compacte a sillonné les rues étroites du centre-ville. "Les personnes LGBTQI fuient trop régulièrement les milieux ruraux. Face à la pensée réactionnaire, aux violences, aux tentatives de mise sous silence, aux inégalités, nous ne sommes pas seul·es", rappelle Aude au micro. Comme un pied de nez au lobby réac, le cortège s'est arrêté sur le parvis de la cathédrale Saint-Caprais pour une performance de voguing. "A l'aiiiiiide, on n'est jamais trop aidé", peut-on lire sur une pancarte, qui précise qu'elle doit se lire à voix haute. Un peu plus loin, des manifestants chantent "sous les paillettes y'a d'la rage".

Le soir, Le Florida est dépassé par l'affluence, et sa jauge de 800 personnes est rapidement atteinte. Comptez plus d'une demi-heure pour être servi au bar, quinze minutes pour accéder à la salle, où ont lieu un spectacle de cabaret et un DJ set. "Autant de monde, c'est du jamais vu. C'est génial de voir qu'autant de personnes se sont déplacées pour cette cause et pour faire en sorte qu'il se passe des choses dans le monde rural", s'enthousiasme l'une des serveuses bénévoles profitant d'une petite accalmie pour fumer une cigarette. Ce jour-là, à Agen, nous avons été visibles comme jamais.

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Crédit photo : Nicolas Scheffer / têtu·