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livre"Au bord", le premier roman d'Angelo Tijssens, co-scénariste de Lukas Dhont

Par Franck Finance-Madureira le 14/09/2023
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Dans son premier roman, Au bord, Angelo Tijssens, qui a consigné les scénarios de Girl et Close de Lukas Dhont, pose cette question fondamentale : Guérit-on un jour de son enfance ? 

Perdre sa mère, se souvenir d’un passé douloureux en réinvestissant les terres de son enfance, en retrouvant son premier amour, c’est le mouvement que dessine avec une acuité émotionnelle et sensorielle imparable le premier roman du Belge Angelo Tijssens. Publié par les éditions Julliard en mai dernier –, l'auteur, qui alterne le "je" du présent et le "tu" du souvenir, comme pour s’adresser à l’enfant maltraité, battu et humilié qu’il fut, s'attarde sur les blessures de l’enfance pour mieux les refermer,

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Au début du roman, le narrateur revient dans son village au bord de la mer du Nord à la suite de la mort de sa mère, pour un travail de deuil en forme de reconstruction. "Ce livre est en moi depuis longtemps, concède l’auteur, et ce n’est pas un énorme secret de dire qu’il est en grande partie autobiographique. Je pensais que j’allais écrire un film, ou en tout cas quelque chose de visuel, mais finalement la forme du roman est celle qui convenait le mieux. De nombreux éléments ne pouvaient être décrits que par la littérature, car dans un scénario, on écrit à la troisième personne avec une réelle volonté d’objectivité."

Co-scénariste de Girl et Close de Lukas Dhont

Angelo Tijssens, comme il le fit déjà en co-écrivant les films Girl et Close de Lukas Dhont, sonde les peurs et les traumas – il évoque les coups et la violence de sa mère –, puis le souffle chaud d’un amant, les frissons d’une première fois. "J’ai voulu évoquer la fluidité de la mémoire de façon très subjective, faire ressentir les odeurs, les températures, les sensations éprouvées par la peau. L’utilisation de la première et de la deuxième personne m’a permis de lier l’homme et l’enfant. J’écris pour le cinéma et le théâtre depuis plus de 15 ans, et cela a toujours été un travail collaboratif. Là, je ne pouvais plus me cacher derrière un 'nous'. Je me suis senti vulnérable mais dans le bon sens du terme ! Mes souvenirs et ceux que j’ai inventés pour le livre se mêlent pour partager, finalement, quelque chose de très intime."

Violent et sensuel, le roman prend aux tripes, tord le ventre et fait renaître des sensations oubliées. Dans ce récit à l’impudeur salvatrice, Angelo Tijssens sonde la mémoire sensorielle, celle qui ne s’efface jamais, et construit par touches une odyssée intérieure, celle d’une émancipation qui parlera à beaucoup de personnes queers. "J’aime le pouvoir de la langue, ce qu’il peut avoir de direct et la façon dont il peut attirer l’attention sur des personnes qui se sont senties longtemps invisibles, conclut-il. Mais l’important, c’est la distance, la temporalité, le recul. On ne peut pas écrire sur le feu quand on est en train de brûler."

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