17maiLes violences anti-LGBT recensées en France ont doublé en cinq ans

Par Nicolas Scheffer le 17/05/2022
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Tous les chiffres viennent rappeler que si la loi française est du côté des personnes LGBTQI+, les violences basées sur l'homophobie ou la transphobie restent un phénomène alarmant que les autorités peinent décidément à endiguer.

Lèvres ensanglantées, hématomes crâniens, séjours à l'hôpital… Les images de nouvelles agressions physiques contre des personnes LGBTQI+ ne se tarissent pas sur les réseaux sociaux. Ces violences demeurent à un niveau alarmant, en dépit des avancées législatives et des multiples alertes des associations. Le rapport 2022 de SOS homophobie, celui de l'application FLAG!, ainsi qu'une note du ministère de l'Intérieur viennent le rappeler en ce 17 mai, journée mondiale contre l'homophobie et la transphobie : en France, on se fait toujours cibler en raison de notre orientation sexuelle et notre identité de genre. Au total sur l'année dernière, les plaintes pour crimes et délits anti-LGBT+ ont ainsi augmenté de 28% par rapport à l'année 2020, soit un doublement depuis 2016 (+ 104%) ! Des chiffres qui restent en deçà de la réalité puisque le ministère estime que seules 20% des victimes déposent une plainte.

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En 2021, 12% des 1.515 témoignages de LGBTphobie rapportés à SOS homophobie concernent une agression physique, soit 144 cas d'agression, une tous les trois jours. "Un niveau incroyablement stable d'année en année", déplore Lucile Jomat, présidente de l'association. Ces chiffres sont corroborés par ceux de l'application FLAG! qui a reçu 1.161 signalements dont 10% recouvrent des violences physiques. Les services du ministère de l'Intérieur évaluent à 7.000 les personnes victimes chaque année de violences anti-LGBTQI+.

"On ne peut pas dire que la société est plus LGBTphobe parce qu'on recense plus d'actes de cette nature. Cela pourrait également s'expliquer par une plus grande visibilité des actes, qui sont régulièrement dénoncés", précise Flora Bolter, autrice du rapport de FLAG! pour le compte de la Fondation Jean-Jaurès. Néanmoins, depuis la rédaction de têtu· où nous documentons quotidiennement ces agressions, nous sommes en mesure de constater que ces violences persistent inexorablement, en dépit d'une meilleure prise en compte par la justice et d'une amélioration de la formation des agents de police.

Violences de rue, scolaires et pièges sur internet

Il y a d'abord les agressions de rue à motif homophobe ou transphobe. En mars, deux personnes transgenres ont été attaquées au couteau à Nice – l'un des auteurs a déclaré aux enquêteurs vouloir "tuer un homosexuel au nom d’Allah". À Dole dans le Jura, un adolescent trans a été pris à partie mi-mars par un groupe d'adolescents avant d'être tabassé au motif de son identité de genre. À Toulouse, le maire d'une commune de l'Aveyron a été retrouvé nu et atteint de multiples fractures sur un lieu de cruising gay en septembre...

Le niveau des LGBTphobies en milieu scolaire est également préoccupant. "Cette année est particulièrement marquée par une recrudescence alarmante des cas en milieu scolaire (5% des agressions physiques, contre 2% en 2020)", indique ainsi le rapport annuel de SOS. Là encore, l'actualité nous rappelle régulièrement de manière dramatique les conséquences de ce climat sur les personnes concernées, entre le suicide en octobre dernier dans le Haut-Rhin de Dinah, 14 ans, victime de harcèlement lesbophobe, ou ce vendredi 13 mai celui d'un adolescent trans qui s'est jeté du troisième étage de son lycée au Mans.

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Autres phénomène qui inquiète tant il semble prendre de l'ampleur : les guets-apens ciblant les homos sur internet persistent, année après année, dans toute la France. À Toulouse, un homme de 25 ans est soupçonné d'avoir drogué et dépouillé au moins neuf hommes gays rencontrés sur Grindr. Il a été incarcéré début mars. À Paris, c'est un enseignant qui, en janvier, a été séquestré pendant deux jours après avoir donné rendez-vous à un amant sur une application. Le site coco.fr est particulièrement utilisé par les agresseurs, en quête de victimes discrètes et vulnérables. Les agressions physiques "sont de plus en plus violentes, avec une intensification des cas de coups et blessures et une montée des cas de viols (8% des agressions physiques en 2021, contre 5% en 2020), malgré une baisse observée en 2020", souligne l'étude de SOS.

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Les plaintes en augmentation de 28%

Si le ministère de l'Intérieur note "une sur-représentation des atteintes commises dans les communes de plus de
200.000 habitants"
, qui concentrent un tiers des actes anti-LGBT (20% rien que dans l'agglomération parisienne), le rapport de FLAG! signale que les zones rurales ne sont pas épargnées. "Dans les zones urbaines, les victimes peuvent trouver du soutien, via les référents LGBT+ dans les commissariats ou via les associations. C'est peu le cas dans des endroits peu denses où la seule porte d'entrée, ce sont les gendarmes qui reçoivent moins de formation aux LGBTphobies que les policiers", relève Johan Cavirot, président de l'association des agents des ministères de l'Intérieur et de la Justice. Flora Bolter constate également "une hausse des signalements de problèmes dans le voisinage. De nombreuses personnes nous envoient des commentaires désemparés concernant leur quotidien. Et notamment, une peur de télétravailler".

À la fin du quinquennat, plusieurs avancées ont été obtenues au plan des droits LGBTQI+ : la PMA pour toutes, l'interdiction des "thérapies de conversion", une circulaire sur l'accueil des enfants transgenres à l'école... Autant de textes réclamés de longue date par les associations. Las, paradoxalement, remarque Lucie Jomat, "quand on obtient une avancée des droits, on constate également une opposition forte et une augmentation de la violence dans l'espace public. Il y a une polarisation forte de la société sur ces sujets avec des personnes beaucoup plus virulentes et d'autres qui ont intégré nos problématiques". Dans l'optique d'endiguer le phénomène, Johan Cavirot se félicite d'une meilleure lisibilité des actes de LGBTphobies : "Mieux connaître les victimes et les agresseurs, c'est mieux combattre les actes de LGBTphobies. Pour cela, il faut que chaque acte soit signalé". Mais pour que les violences reculent enfin, la présidente de SOS appelle à multiplier les sensibilisations aux LGBTphobies et à des campagnes publiques.

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Crédit photo : Josh Edelson / AFP