[Interview] La fondation Le Refuge, qui accueille des jeunes LGBT+ sans domicile, fête ses 20 ans et se projette vers l'avenir. Son nouveau directeur, Pacôme Rupin, dévoile auprès de têtu· ses priorités.
On l'a connu à l'Assemblée nationale en costume sombre lorsqu'il était député (macroniste), c'est les cheveux longs, boucle à l'oreille, que le directeur du Refuge, Pacôme Rupin nous accueille dans de nouveaux locaux parisiens qui sentent encore la peinture fraîche. La fondation qu'il dirige depuis peu fête son anniversaire ce 17 mai, journée de la lutte contre les LGBTphobies (IDAHOBIT). Malgré ses 20 ans, Le Refuge ne manque pas d'idée pour l'avenir, notamment celle de s'ouvrir à l'international, d'accentuer l'aide pour la demande d'asile, et d'augmenter les interventions en milieu scolaire. Des projets que Pacôme Rupin développe auprès de têtu·.
À lire aussi : SOS homophobie rapporte une agression anti-LGBT tous les deux jours
Le Refuge a aujourd'hui 20 ans, la fondation est-elle en bonne santé ?
Nous disposons sur l'ensemble du territoire de 17 délégations qui proposent de l'hébergement et de l'accompagnement social pour les personnes en situation de vulnérabilité, nous avons également un dispositif d'accompagnement des mineurs et d'aide aux réfugiés. Sur 1.400 demandes d'hébergement en 2022, nous avons pu accueillir 180 jeunes. D'ici à 2024, je souhaite que nous puissions doubler le nombre de places pour davantage répondre aux besoins de jeunes LGBT+ sans domicile.
Comment y parvenir en maintenant la qualité d'accueil ?
Nous devons trouver de nouvelles places dans les 17 délégations. Notre force, c'est notre maillage territorial, nos salariés et nos bénévoles. Ma prédécesseure a créé un service de formation des bénévoles qui est maintenant en place. Deux salariés proposent des formations qui sont désormais obligatoires et continues, puisque les bénévoles doivent suivre deux modules par année.
Pourquoi avoir choisi de vous présenter pour diriger Le Refuge ?
J'ai été militant LGBT+ très jeune, au Caélif [Collectif d'associations d'étudiant·es LGBTQI+] puis membre de l'Autre cercle [pour la promotion des sujets LGBT+ en entreprise]. Dans mes engagements, j'ai eu à coeur de me battre pour l'égalité des droits. Les discriminations, les violences qui touchent les personnes LGBT+ sont encore très présentes. Trouver un hébergement pour que ces jeunes puissent rebondir, c'est une mission qui me parle énormément.
L'ancien président du Refuge Nicolas Noguier s'appuyait beaucoup sur de grands noms pour attirer l'attention. Est-ce toujours votre axe prioritaire de communication ?
Nous devons faire feu de tout bois, et faire connaître l'association est très important. Nous avons la chance d'avoir des mécènes, de grands donateurs, des entreprises et personnalités publiques qui souhaitent aider le Refuge. Mais pour faire vivre l'engagement de la fondation, nous nous appuyons sur 400 bénévoles et 40 travailleurs sociaux.
"En tant que directeur, je ne fais pas de politique partisane, je défends une cause."
Le président de la fondation, Michel Suchod, est un ancien politique, et vous-même avez été député de Paris pour La République en marche. Est-ce à dire que Le Refuge se politise davantage ?
Ce serait confondre l'engagement politique de chaque citoyen et un engagement associatif. En tant que directeur général du Refuge, je ne fais pas de politique partisane, je défends une cause. Toutes les personnes sont les bienvenues à partir du moment où elles laissent leur engagement politique à la porte de la fondation.
Vous avez un carnet d'adresse, des relations… Le Refuge doit-il faire davantage de plaidoyer ?
La mission de la fondation, c'est de proposer un accompagnement. Je mènerai ce combat partout où je peux le faire car mon objectif essentiel, c'est d'accueillir un maximum de personnes LGBT+ discriminées ou persécutées. Mais ma priorité, c'est d'aider les jeunes.
Acceptez-vous les excuses de Gérald Darmanin, lorsqu'il déclare aujourd'hui qu'il s'est trompé en participant à la Manif pour tous contre l'ouverture du mariage aux couples homosexuels ?
En dix ans, il y a eu une évolution positive et une plus grande acceptation de nos couples dans la société. Cette avancée se répercute dans le monde politique et on peut se féliciter que les personnes qui combattaient nos droits veulent maintenant être à nos côtés.
Malgré tout, l'explosion des actes homophobes a nécessairement conduit à une hausse des demandes d'accompagnement auprès du Refuge… Ne porte-t-il pas une responsabilité ?
Évidemment que ces débats ont fait beaucoup de mal, y compris à moi. Pendant cette période, on a entendu des amalgames, des paroles en dehors de toute réalité, insultantes, discriminantes. C'est pour cela que je me suis battu. Aujourd'hui, il y a d'autres combats à mener, notamment contre la transphobie, et il faut le faire avec des personnes qui ont évolué. Mon rôle, c'est de trouver et de proposer des solutions. Il nous faut sensibiliser davantage à l'école, nous avons réalisé 150 interventions, nous souhaitons les augmenter.
L'ancien président, Nicolas Noguier, a utilisé l'agrément du "Refuge formation" pour réaliser des interventions en milieu scolaire, malgré un contrôle judiciaire l'empêchant d'être en contact régulier avec des mineurs. Utilise-t-il toujours cette marque ?
La justice s'est saisie de ce sujet, c'est à elle de le traiter. En tant que directeur général de la fondation, mon seul objectif, c'est de regarder vers l'avenir et que nous nous détournions le moins possible de notre noble mission. Ces dossiers sont complexes, il est normal que la justice prenne le temps d'aboutir.
Le Refuge a-t-il vocation à rester à Montpellier ?
Depuis longtemps Le Refuge n'est plus seulement à Montpellier. Nous sommes présents dans 40 départements et nos délégations proposent de l'hébergement et de l'accompagnement social dans 17 départements en France. Nous avons développé une compétence dans la demande d'asile, nous accueillons 30 réfugiés LGBT+ à Angers, et devons aller plus loin. Nous sommes enfin en train de développer des projets à l'international car ce que nous proposons en France est pertinent dans d'autres pays où la législation est LGBTphobe.
À lire aussi : Lutte contre l'homophobie : le mini-film "à nos amours au grand jour"
À lire aussi : Le Refuge : "On ne gère pas une fondation aussi importante comme une asso locale"
Crédit photo : Le Refuge