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livreDans la BD "La Fille de ses rêves", la star du bahut est une butch

Par Tessa Lanney le 22/06/2023
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Fun et légère, La Fille de ses rêves reprend en BD l'un des thèmes les plus récurrents des comédies romantiques, le triangle amoureux, mais cette fois sous le signe des amours lesbiennes.

Édith Piaf voyait la vie en rose ; Mari Costa, elle, nous la montre. Sa BD, La Fille de ses rêves, est un monochrome de rose bien girly. Mais pas seulement. C’est aussi une bulle d’air saphique, un cocon où l’homosexualité n’est jamais regardée d’un mauvais oeil, où les discriminations n'ont pas leur place. "Je vise l’idéalisme et non le réalisme", affirme l’autrice, qui reconnaît toutefois la nécessité d'aborder nos vécus frontalement, sans taire la violence, mais considère que "voir des représentations amusantes et joyeuses de l’amour queer est aussi très formateur pour les enfants et les adolescentes qui se découvrent." À celles qui réclament à cor et à cri un Heartstopper lesbien, vos prières ont donc été entendues.

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Une façon, aussi, de s’accaparer les intrigues cul-cul dont nous avons toujours secrètement rêvé : "J’ai pris les schémas que j’aime dans les romances hétéros et que je vois très rarement dans les œuvres queers comme le badinage ou le fait d'être intimidé." La fille de ses rêves n’est autre qu’un triangle amoureux, un thème repris par bon nombre de comédies romantiques hétéros. Sauf qu’en y ajoutant une bonne poignée de drama lesbien, le mélange devient explosif et "challenge les stéréotypes qui correspondent aux personnages types des teen-movies".

Un triangle amoureux 100% lesbien

Le personnage de Chloé évoque immédiatement l’athlète star qui règne sans conteste sur le lycée et profite allègrement de sa popularité. Sauf qu'il s'agit d'une butch ! "Dans la plupart des œuvres culturelles, les lesbiennes adhèrent complètement aux normes de genre, souligne Mari Costa. C’est loin d’être représentatif de la vraie vie. Ça me tenait vraiment à cœur de créer une lesbienne butch qui ne se conforme pas à ces normes." Il faut avouer que dans la fiction, quand elles s'y trouvent, les butch ont rarement le beau rôle. Mais Chloé, elle, est "sympa, séduisante, rêveuse", et sa carrure impressionnante, sans parler de ses biceps d'aciers, ne font qu'accroître son statut de canon.

Gina, quant à elle, est "une fille ambitieuse et hyper féminine", ce qui est pas mal dévalorisé dans un certain nombre de fictions. Son personnage entre dans la lignée des "mean girls", les méchantes de nos teen-movies fétiches, "type Sharpay Evans, iconique antagoniste de High School Musical". Pom-pom girl, elle a un esprit de leader, et n'hésite pas à jouer de ses charmes… tout en n'étant ni grande ni mince. La fille de ses rêves redore avec elle le blason de ces pestes trop longtemps malmenées, en donnant au personnage profondeur et humanité. Enfin, Belle, comme la plupart des héroïnes de romcom, dispose d'un petit côté ingénu, voire naïf, et a évidemment le cœur sur la main. Mais le plus intéressant est ce qui vient bouleverser cet univers de bisounours : la peur de Belle d'être pleinement elle-même et d'embrasser un style féminin. Si elle assume pleinement son homosexualité, elle a en effet un rapport à la féminité contrarié par sa peur du regard des autres et le manque de confiance en soi propice à l’adolescence. 

"Quand on entre dans l’adolescence, ce n’est pas donné à tout le monde d’avoir la peau assez dure pour supporter les brimades liées à l’expression de soi."

Tout cela est inspiré du vécu de l'autrice : "Enfant, j'adorais porter des robes et m’exprimer de manière hyper féminine, mais quand on entre dans l’adolescence, ce n’est pas donné à tout le monde d’avoir la peau assez dure pour supporter les brimades liées à l’expression de soi." Avec le temps, Mari Costa a compris que "renoncer à des choses qui nous rendent heureux simplement parce qu'on les juge gênantes ou embarrassantes n’est jamais une solution". Ainsi, alors que Chloé se sent plus à l’aise dans une expression masculine, Belle atténue sa féminité pour se camoufler. "Son ancienne garde-robe est associée à un style enfantin qui ne convient plus à son âge, explique l’autrice. Alors elle la rend plus neutre, sauf que l’option neutre par défaut, c’est le vestiaire masculin." Une réflexion sur les difficultés à s’accepter et à s’affirmer qui, cette fois, ne tourne pas uniquement autour de la sexualité.

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Crédit photo : "La fille de ses rêves" / Mari Costa / éditions Jungle