Alors que Superbus s'apprête à sortir un septième album qui renoue avec son identité originelle, le groupe montre son ancrage dans la réalité moderne avec "Aseptisé", un clip réalisé à l'aide d'une intelligence artificielle.
Depuis que Jennifer Ayache a clamé en en 2006 que, comme un garçon, elle avait le coeur qui faisait boom et les cheveux longs, pas une soirée queer ne s’organise sans que "Lola" jaillisse dans la playlist. Superbus revient pour un septième album dont la date n’a pas encore été révélée, contrairement au premier titre qui le compose : "Aseptisé". Un retour attendu, trois ans après la sortie de leur dernier EP, XX. "Le prochain album est très différent de notre dernier projet, promet Jennifer Ayache. Déjà parce que sur XX, on avait bossé avec Benjamin Lebeau de The Shoes. C’était à part, rien à voir avec du Superbus pur et dur. Pour l’album, on avait envie de retrouver le son de nos débuts, cette identité propre qui fait de Superbus Superbus." Une attention portée sur la basse, la batterie, la guitare, avec peu de place pour l’électronique. De la musique de groupe, tout simplement.
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Superbus a déjà 25 ans d'existence et "l’album devrait s’adresser aux fans de la première heure, qui ont grandi avec [eux] même [s’ils] essaient toujours de se moderniser". Un retour aux sources qui démarre pourtant avec une critique du monde actuel, "Aseptisé". "La chanson parle de cette ère qui nous dépasse tous un peu, où tout est très lisse, où tout le monde se ressemble, développe la chanteuse. Ça passe par une technologie qui prend le dessus, qui nous enferme dans un monde virtuel et où il est devenu difficile de distinguer un vrai visage d’un faux." Pour illustrer cette prise de position, Superbus opte pour une mise en abime à travers un clip réalisé avec une intelligence artificielle. "C’est la dernière invention qui fait parler et c’est le pire moyen de création, précise Jennifer Ayache. Avec Sébastien Desmedt, on a utilisé ce qui, au fond, nous fait flipper tout en nous fascinant." Générer des textes, des photos, imaginer des pochettes d'album, "on se demande si on va encore servir à quelque chose. En quelques mots entrés dans un logiciel, on se retrouve avec une banque de données inépuisable qui donne vie à nos idées. C’est à la fois génial et terrible."
Un clip qui fait froid dans le dos
Des personnages à la peau trop lisse, aux expressions dérangeantes, figées. Le clip joue sur la notion de "vallée de l'étrange", fréquemment utilisée dans le cinéma d'horreur et la science fiction comme avec les films Smile et Ex machina. Elle fait référence au sentiment d'angoisse, d'insécurité face à une entité, un objet qui atteint un haut degré de ressemblance avec l'être humain tout en présentant des caractéristiques inhumaines. Dans Smile, un sourire exagéré et un regard révulsé, dans Ex machina, une femme robot plus vraie que nature. Dans le clip, ce sont les tics, les bugs et les métamorphoses instantanées qui provoquent un sentiment de malaise. Sentiment souligné par les néons éclatants aux couleurs flash saturées et par les espaces immenses et surchargés.
Même si l'envie de tendre un miroir à la société est venue naturellement, ce qui fait vibrer la chanteuse, c'est parler de ses expériences, de mettre l'humain au centre de ses réflexions, de parler d'amour. Pas de petite sœur cependant pour la chanson queer "Lola", même si elle revêt toujours une importance particulière : "Dans cette chanson, j’exprime ma sexualité à demi-mots, de façon mignonne, rien de vraiment très concret. Pourtant, le message est passé tout de suite. Cette chanson m'a permis d’ouvrir une partie de ma vie que je mettais un peu de côté." Toutefois, "dans mes textes, mon identité apparaît toujours en filigrane. Il y a toujours un sous-texte un sens caché." C'est notamment le cas dans "Let Me Hold You". Puisque "Lola" existe, l'artiste ne voit pas la nécessité de dire deux fois la même chose tout en assurant que la communauté queer se retrouvera dans le septième album. En 20 ans, de nombreuses chansons ont couvert le thème de l'amour lesbien. "C'est génial, parce qu'avant, les médias et le public partaient du principe que tu étais forcément hétéro, se réjouit la chanteuse. Après 'Lola', on m’est un peu tombé dessus, les questions ne tournaient qu'autour de ça. Aujourd’hui, j’assume bien plus qui je suis et avec qui je suis..."
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Crédit photo : Arnaud Juherian