En mal d'abdos et de souplesse ? Inutile d'aller explorer la zone du village olympique, à Saint-Denis, via votre compte Grindr : l'application de rencontre gay a pris soin d'empêcher la géolocalisation des athlètes qui y logent pour la durée des JO de Paris 2024, afin de les protéger d'un outing.
Les petits malins l'ont remarqué dès l'annonce de l'ouverture du village olympique, le 18 juillet : impossible de voir qui se connecte à Grindr depuis ces 52 hectares coincés, dans la ville de Saint-Denis, entre l'A86 et la Seine. Lorsque l'on y centre la géolocalisation de la fonction "Explorer", la grille de l'application de rencontre gay reste désespérément vide.
Empêcher que l'on puisse géolocaliser les athlètes, dont certains viennent de pays où l'homosexualité est criminalisée, est une mesure bienvenue pour les protéger d'un outing, pratique observée lors de précédentes éditions des JO : en 2021 encore, l'identité sexuelle de sportifs avait ainsi été révélée lors des Jeux de Tokyo (Japon). Restait à résoudre une question : est-ce seulement la géolocalisation depuis l'extérieur du village qui est bloquée, ou carrément l'usage de l'appli en son sein – donc pour les athlètes ?
Contacté par têtu·, le comité d'organisation des Jeux olympiques nous confirme que c'est bien la première option qui a été mise en place : "Les applications de rencontre sont évidemment accessibles au sein du village mais la géolocalisation a été désactivée par certains éditeurs d'applis." Si Grindr n'a pas répondu à nos demandes d'explications plus spécifiques, l'entreprise a mis en ligne son "plan d'action" pour une "confidentialité améliorée pour les athlètes aux Jeux olympiques de Paris" : la désactivation des fonctions "Explorer" et "Afficher la distance", donc, mais aussi la mise à disposition gratuite de "fonctionnalités supplémentaires de sécurité", y compris premium, comme l'envoi illimité de photos éphémères ou la désactivation des vidéos privées ainsi que des captures d'écran pour les photos de profil et celles envoyées via messages privés.
Grindr et les JO, une histoire d'outing
Les polémiques autour des JO avaient commencé pour Grindr en 2016, lors des Jeux de Rio de Janeiro (Brésil), quand le média américain The Daily Beast avait trouvé intelligent de publier un article intitulé "J'ai eu trois rendez-vous Grindr en une heure au village olympique" dans lequel le journaliste – hétéro – racontait son "infiltration" de l'appli en livrant sur les athlètes des détails susceptibles de révéler leur identité.
En 2022, lors des Jeux d'hiver à Pékin (Chine), Grindr avait déjà mis en place un black out sur le village olympique. Au nom de l'entreprise, le directeur de Grindr for Equality, Jack Harrison-Quintana, avait alors déclaré : "Nous voulons que Grindr soit un espace où tous les athlètes queers, peu importe d'où ils viennent, se sentent en confiance pour se connecter avec un autre pendant qu'ils sont au village olympique." Et l'application d'afficher ce message à tous ceux qui se connectaient depuis la zone protégée : "Votre vie privée est importante pour nous. Notre fonction « Explorer » a été désactivée dans le village olympique afin que les personnes extérieures à votre zone immédiate ne puissent pas naviguer ici."
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Crédit photo : montage Grindr / Michel Euler, AFP