politiqueLégislatives 2022 : que retenir des résultats pour les LGBTQI+ ?

Par Nicolas Scheffer le 20/06/2022
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La composition de la nouvelle Assemblée nationale au lendemain du second tour des élections législatives 2022 rebat les forces politiques sur les sujets LGBTQI+. Des résultats qui comportent de mauvaises nouvelles objectives, mais aussi quelques raisons d'espérer.

Tandis que les résultats du second tour des élections législatives 2022 étaient égrainés ce dimanche 19 juin, il y avait de l'orage à Paris… On l'a donc entendu sur toutes les chaînes d'info : deux mois après l'élection présidentielle, les électeurs ont mis un sérieux coup de frein à la politique d'Emmanuel Macron. Les cartes sont rebattues dans la nouvelle Assemblée, avec un bilan particulièrement contrasté concernant les sujets LGBTQI+.

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Nos adversaires d'extrême droite, deuxième force d'opposition

Tout au long de la campagne présidentielle, le Rassemblement national (RN), fidèle à son histoire, s'en est ouvertement pris aux droits des personnes LGBTQI+, fidèlement épaulé en ce sens par Éric Zemmour. Voila désormais le successeur du FN disposant de 89 députés, un record historique (ils étaient 8 dans la précédente législature, et 35 en 1986, leur précédent record lors de l'instauration par François Mitterrand de la proportionnelle aux élections législatives, abandonnée en 1988). Pas étonnant donc de voir Marine Le Pen, forte également de ses 61% de suffrages dans sa circonscription, ait affiché un large sourire au soir du second tour : alors qu'elle était à nouveau fragilisée dans son camp après son troisième échec à la présidentielle, elle redevient la cheffe de file de son camp.

Dans son programme, Marine Le Pen s'engageait notamment à "refuse[r] de reconnaître la filiation des enfants nés à l'étranger par la GPA" et promettait une loi anti-GPA "renforcée, pour éviter les contournements de la loi en ayant recours à des filières étrangères". Elle a également voté et milité contre la loi bioéthique et l'ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes. Elle soutient ouvertement – et il le lui rend bien – Viktor Orbán, le dirigeant hongrois à l'origine notamment d'une loi ouvertement homophobe mise en place l'an dernier dans son pays. Son parti s'est en outre opposé, à Bruxelles, à une déclaration faisant de l'Europe une "zone de liberté LGBTQI+". Bref, 89 députés hostiles aux droits des personnes LGBTQI+, c'est beaucoup.

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En macronie, nos allié·es fragilisé·es

Au cours du quinquennat qui vient de se clore, les droits des personnes LGBTQI+ ont avancé. Timidement, avec bien des atermoiements et plusieurs renoncements, mais ils ont avancé. L'ouverture de la PMA à toutes les femmes est enfin actée, mais désormais confrontée au manque de moyens dans les centres de PMA ; les parcours de transition auprès de l'état civil restent incroyablement complexes et inégaux en France ; les "thérapies de conversion" sont désormais interdites, mais aucun moyen n'a été annoncé pour lutter contre ces pratiques...

Les dossiers LGBTQI+ qui ont abouti entre 2017 et 2022 ont avancé grâce à la ténacité de certaines personnalités qui, au sein de la majorité présidentielle sortante, ont lutté pour les mettre à l'ordre du jour. Triste récompense, Laurence Vanceunebrock, députée LREM de l'Allier et autrice de la proposition de loi sur les "thérapies de conversion", a été remerciée dès le premier tour avec 17% des voix. Jorys Bovet, du Rassemblement national, a été élu à son siège avec 50,22% des voix… Au second tour, l'ancienne ministre de l'Égalité, Élisabeth Moreno, n'a pas convaincu non plus, recueillant 45% des voix face à son concurrent de la Nupes (Nouvelle union populaire, écologiste et sociale).

Faisant face à l'avocate lesbienne Caroline Mecary (également une militante LGBTQI+), Clément Beaune a quant à lui été élu sur le fil à Paris, avec 50,73% des voix. Au gouvernement, il pourrait donc conserver son portefeuille européen, qui le place en première ligne face à l'homophobie d'État pratiquée en Pologne et en Hongrie, et pourrait peser pour qu'Emmanuel Macron applique son idée de nommer un·e ambassadeur·e référent·e LGBT+ . De même, le député de Charente-Maritime Raphaël Gérard a été lui aussi élu de justesse avec 50,70% des voix. Lors de la précédente législature, il avait déposé de nombreux amendements pour que chaque texte ait un "LGBTQI+ gaze".

Dans l'opposition renforcée de gauche, les sujets LGBTQI+ maîtrisés

L'avenir nous dira le poids de la Nupes dans la législature qui s'ouvre. Mais avec 142 députés pour l'union de la gauche, celle-ci dispose d'un capital politique important. Une nouvelle gauche plurielle marquée dans chacune de ses composantes par la volonté de faire avancer les sujets LGBTQI+. Outre la volonté de "mettre en œuvre un plan d’éradication des violences à l’encontre des personnes LGBTQIA+", Jean-Luc Mélenchon avait proposé, pendant la campagne présidentielle, d'inscrire l'auto-détermination du genre dans la constitution.

L'épisode de l'investiture de Jérôme Lambert, député socialiste pro-Manif pour tous et anti-PMA, est un cas d'espèce. Lorsque son passé LGBTphobe est remonté à la surface, Sandrine Rousseau en tête, puis d'autres membres, ont fait savoir leur opposition. Cinq jours plus tard, l'investiture lui a été retirée par Olivier Faure, le premier secrétaire du PS.

Pour faire avancer les droits des personnes LGBTQI+, la nouvelle Assemblée pourra compter notamment sur Bastien Lachaud, réélu en Seine-Saint-Denis avec 75% des voix. Si l'élu n'est pas directement concerné, il a montré lors de l'examen du projet de loi bioéthique qu'il sait défendre nos identités. Par ailleurs, il a travaillé avec Laurence Vanceneubrock à la proposition de loi visant à interdire les "thérapies de conversion". Sandrine Rousseau, candidate écologiste et porte-parole de l'éco-féminisme, a également été élue à Paris avec 58% des voix. En revanche, en Essonne, Nadhéra Beletreche aura manqué de 1,3% pour être élue.

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Crédit photo : Alex Guibord/Flickr